Côte d'Azur. Louis Mignatelli, entraîneur historique…

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Hommage - tardif - à un homme qui avait la passion du sport et de la compétition. Il fut un des pionniers de la natation sportive sur la Côte d’Azur, des années 60 à sa disparition en septembre 2002. En 1960, la natation moderne était en train de se mettre en place. Tout évoluait très vite, la technique, l’entraînement, les règlements aussi. Les corps, grâce à une alimentation plus protéinée et une diététique adéquate, changeait en l’espace d’une génération. On commençait à faire de la musculation.


- Louis Mignatelli et ses nageurs, 1966 -

Louis Mignatelli n’était pas un ancien nageur de compétition comme c’est souvent le cas. Son sport favori était le foot et il cultivait quelques nostalgie de ne pas être devenu un footballeur professionnel. Je l’ai rarement vu nager autre chose que la brasse dans la petite piscine de 25 sur 10 mètres, qu’il dirigeait en solo. Joueur infatigable de volley-ball, une activité qu’il pratiquait sur le terrain attenant à la piscine, avec les ouvriers et les cadres de l’usine de parfum Chiris, à Grasse. C’est dans la cité des parfums en effet qu’il s’était installé et trouvé ce poste. Il était le seigneur et Dieu de ce mini complexe composé de d’une piscine bordée de lauriers roses, d’un terrain de volley, d’une salle de gym et de ses vestiaires. L’usine Chiris, toute proche, diffusait généreusement des fragrances de lavandin qui parfumaient les rues avoisinantes et l’eau du bassin…

Une nouvelle page de l’histoire de la natation était en train de s’écrire. En Australie avec John Talbot et ses prodiges (John et Ilsa Konrads, Dawn Fraser…), en Afrique du sud avec Cecil Colwin,  aux USA avec Doc Counsilman… Tous avaient une approche de la technique et de l’entraînement de plus en plus scientifique. En s’inspirant des méthodes pratiqués par les meilleurs  entraîneurs de chevaux de course, ils mirent au point l’entraînement fractionné propre à leur discipline (l’interval-training), et firent battre à maintes reprises les records du monde, du 400 au 1500 mètres, en imposant le négative-split (la seconde moitié de la course devant être nagée aussi vite ou plus vite que la première). Pour trouver « le geste le plus juste », le plus efficace et le plus économique, ils s’appuyèrent aussi sur la biomécanique.   


- Louis Mignatelli -

Louis est curieux et entreprenant. Il n'hésite pas d'ailleurs à aller en Alabama, à la rencontre des meilleurs entraîneurs américains. Il contribue à son échelle, à faire bouger les choses. Pour les nageurs de son club, l’ASCG (Association sportive Chiris de Grasse), il équipe la salle de gym. Au programme, renforcement musculaire, en insistant sur les abdominaux. Il a entendu parler de la gymnastique isotonique et s’y essaye car il a compris tout l’intérêt de gagner en force physique en prenant le minimum de volume musculaire pour ne pas augmenter la résistance à l’avancement. Il fait fabriquer un appareil pour muscler les bras en respectant le mouvement de la nage et son tempo, coupe des chambres à air de pneu pour attacher les pieds, découpe des morceaux d’Isorel en guise de plaquettes (paddle) pour les mains… Il manque juste les pull-buoy, ces petits flotteurs qu’on cale entre les jambes lors des entraînements pour faire travailler seulement les bras en restant le plus près de la surface… Pour la petite histoire, les lunettes de piscine (googles) ne se vulgariseront que vers 1975, ce qui jusque-là n’a pas empêché les nageurs de battre, les yeux rougis par le chlore, des records… Quant aux virages culbutes (une invention du Français Willy Blioch), ils ne seront autorisés en compétition qu’à partir des JO de Tokyo de 1964, à condition toutefois de toucher le mur avec la main, ce qui réduisait l’avantage de cette nouvelle technique - aussi révolutionnaire que le « Fosbury-flop » au saut en hauteur - avant que les règlements n’évoluent vers plus de simplicité et de logique… 

Dans les années 60, les nageurs azuréens ont peu de piscines publiques à leur disposition et aucune piscine chauffée ou couverte. A Cannes comme à Nice, ils s’entraînent souvent en mer. Difficile alors de faire bonne figure face aux nageurs de Paris, Lille ou Marseille qui pratiquent, eux, tout l’hiver dans des bassins chauffés et couverts. Pas question donc de participer aux Championnats de France qui se déroulent toujours au début de l’été, quand les Championnats de la Côte d’Azur se déroulent eux, à la fin de l’été.  

Les méthodes de Louis Mignatelli, son charisme, sa disponibilité sans limite, sa rigueur, produisent des résultats, imposent le respect de ses pairs (Gérard Hugon, David Dickson, Georges Cantagril...)  et convainquent les familles de lui confier leurs enfants. Premiers servis les Grassois... Gérard Morelli, Pierre Igolin, Philippe Fabron, Carole Achino, Alain Passeron, Serge Salvagno, Françoise et Jean-Pierre Mignatelli, les sœurs Vignal et Pierre Canavèse. Ce dernier se distingue et brûle les étapes. Avec peu de kilomètres, il rivalise avec les meilleurs français. Et c’est l’âme en peine qu’il part à Paris dans l’espoir de participer aux JO de Tokyo où il ira d’ailleurs. Les conditions d’entraînement sont d’ailleurs bien meilleures dans la capitale mais encore loin d’être idéales. Les créneaux horaires réservés au club sont peu nombreux. Ainsi, je me suis un soir retrouvé à nager avec le public dans la piscine Blomet avec à côté de moi, Kiki Caron accompagnée de son coach Suzanne Berlioux, alors qu’elle était une de nos seules chance de ramener une médaille à Tokyo (elle obtint celle d’argent sur 100 mètres dos).

En 1965, les Cannois  n’ont toujours pas de piscine publique. Plusieurs font donc régulièrement l’aller-retour Cannes-Grasse pour bénéficier des conseils du « magicien Louis ». Les frères Lassalle, Max Delys, Alain Dartigues, Pierre Fauroux, Alain Paolino, Pierre Andraca, Christian Nigoux, Pierre Biancamaria, sont parmi ceux-là… auxquelles s’ajoutent les Niçoises Monique et Nicole Cosson. Pour la petite histoire, malgré les résultats flatteurs de l’ASC natation, le maire de l’époque, Bernard Cornut Gentille, répondit au président du club qui souhaitait la construction d’une piscine municipale : « Mais vous avez la mer ! »

Les années passent et les générations de nageurs défilent dans la petite piscine de Grasse. Jusqu’au jour où les dirigeants de la société de parfum décident d’y construire à la place, un ensemble immobilier. C’est à peu près au même moment qu’est inauguré à Antibes, le tant attendu bassin aux dimensions olympiques avec sa piscine intérieure de 25 mètres. C’est cette fois à Louis Mignatelli de faire l’aller retour. Il se verra confier par le club antibois, l’entraînement de nageurs de premier plan comme René Ecuyer. Une page se tourne mais le livre continue de s’écrire...


- Migna et Pierre Fauroux -


- avec Alain Passeron et Jean-Pierre -


 - séance massues...


- séance abdos...