La cybercriminalité en plein développement...
Par Maitre Antoine Chéron, avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.
« Les
faits divers liés à la cybercriminalité sont toujours plus
nombreux et variés. En atteste le vol des données personnelles de
112 000 policiers récemment commis par un employé d’une
société sous-traitante de la Mutuelle générale de la police.
Ces
données étaient stockées sur un « cloud » à l’accès
protégé par un simple mot de passe, permettant à l’employé en
question d’accéder et de s’approprier sans grandes difficultés
des informations confidentielles non seulement sur les policiers mais
aussi sur leurs proches.
Cette affaire met en lumière que
la menace cybercriminelle ne vient pas toujours de l’extérieur
mais peut également être interne aux organismes et entreprises. Le
contrôle des risques liés à la perte d’informations se doit
alors d’évoluer pour s’adapter à la typologie des différentes
cyber-menaces.
Alors que l’affaire du vol de données
des policiers était révélée à la presse, deux experts ont
affirmé ce lundi 27 juin que les cyber-attaques visent dans 99% des
cas à voler des données, mais que de plus en plus d’intrusions
dans les réseaux informatiques des entreprises font craindre des
tentatives de sabotage industriel ou des menaces terroristes.
Le
directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information (Anssi), Guillaume Poupard a qualifié ce phénomène
d’ « inquiétant ». C’est en effet le moins que
l’on puisse dire, car si un transfert anormal ou non-autorisé de
données est en théorie identifiable, l’absence de captation
d’informations rend le contrôle bien plus ardu.
Comme
l’Anssi le craint, il se peut que les terroristes ayant des moyens
financiers sans compétences techniques en informatique fassent appel
à des « mercenaires numériques » pour s’introduire
dans des réseaux en vue d’exfiltrer de l’information au moment
opportun.
Les deux experts ont présenté les trois
premiers arrêtés relatifs à la sécurité des systèmes
d’information des opérateurs d’importance vitale (OIV)
concernant les produits de santé, la gestion de l’eau et
l’alimentation. D’autres arrêtés feront suite pour couvrir
l’ensemble des 12 secteurs reconnus d’importance vitale, soit 249
opérateurs publics et privés identifiés comme tels.
Ainsi,
dans le prolongement de la loi de programmation militaire de 2013, ce
nouveau cadre juridique imposera aux OIV de se prémunir contre les
risques de cyber-attaque. Ils auront notamment une obligation de
notifier les incidents aux autorités compétentes, devront respecter
des consignes préétablies de bonnes pratique et seront soumis
régulièrement à des contrôles d’application.
Comme
l’a souligné M. Poupard, « la France est avec l’Allemagne
un pays pionnier dans la protection des OIV », mais l’Europe
n’entend pas respect simple spectatrice de ces efforts.
En
février 2013, la Commission européenne a en effet proposé aux
États
membres et au Parlement d’adopter une directive « Network Security
and Information » (NIS) qui a été approuvée en décembre 2015 et
adoptée en première lecture par le Conseil de l’Europe en mai
2016. Celle-ci prévoit des mesures visant à assurer un haut niveau
de confiance dans les systèmes de réseaux et d’informations de
l’Union.
Cette directive NIS est en fait le support
nécessaire du règlement beaucoup plus général relatif à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre circulation de ces
données. Le but est à long terme d’obtenir un espace numérique
sécurisé et performant au sein duquel les États
membres coopèrent de manière harmonieuse pour lutter contre la
cybercriminalité.
Au niveau national, l’Union prévoit
que tous les États
membres devront créer une « computer emergency response team »
(CERT), c’est-à-dire un centre d’alerte et de réaction aux
attaques informatiques qui aurait pour mission de surveiller,
analyser, avertir des risques et intervenir a posteriori.
Au
niveau communautaire, la directive NIS prévoit la mise en place d’un
réseau de communication interétatique afin de favoriser la
circulation des alertes, la cybercriminalité n’ayant pas de
frontières. La coopération paneuropéenne se fera sur la base du
volontariat et du partage d’information des différents acteurs.
Face à la cyber-menace, notamment de nature terroriste, la
solidarité entre Etats apparaît en effet indispensable. »
Me
Antoine
CHERON