Grèce. Les îles des vents… 1975.

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Vents d’est, vent d’ouest, vents qui font tourner la tête et la mette à l’envers. Ils sévissent dans les Cyclades et dans toutes les autres archipels grecs. Ainsi Éole dessine la carte : le Zéphyr est un vent qui vient d’ouest, le Borée du nord, tandis que le Notus vient du sud et Eurus de l’est. Ici, c’est le puissant, voire violent Meltem qui s’impose l’été.



- Sifnos, Vathi, Taxiàrchès -


C’est de Montréal cette fois que j’ai rejoint Athènes en ce mois d’août 1975. Le lieu de rendez-vous ? L’île de Sifnos où je dois participer à un stage de hatha-yoga conduit par Eva Ruchpaul. Sur le ferry, beaucoup de routards, mais pas la foule de touristes à laquelle je m’attendais. C’est plutôt une bonne nouvelle. Environ cinq heures plus tard, nous débarquons dans le petit port de Kamarés. Situé dans une anse profonde mais largement ouverte sur l’ouest, je devine que certains jours, ce ne doit pas être évident d’y accoster.

Le bus nous conduit à petite vitesse vers Platys Gialos. Je suis un des rares touristes. Nous grimpons d’abord jusqu’au village d’Appolonia avant de redescendre vers la partie sud est de l’île. Sur place, je retrouve Gérard Chapdelaine. Un pionnier de la télévision québécoise ; il réalise actuellement une trilogie, ‘L'Église en papier’ qui  raconte la vie de Paul et de toute l'Église primitive en personnages de papier animés. Les autres participants, une douzaine, sont des Athéniens issus apparemment d’un milieu aisé. Ils parlent tous le français. Aucun hôtel mais une résidence, les chambres sont spartiates ; une salle suffisamment grande est dédiée à nos séances ; d’ailleurs, la plupart ont lieu dehors. Le stage se déroule sans histoire. Tout le monde apprécie Eva qui ne joue pas au guru. Elle partage sans façon nos repas que nous prenons dans les quelques établissements de plage. Ils proposent tous des poissons et des langoustes frais pêchés. 

Pour la petite histoire, lors de ma première rencontre avec elle, en Suisse, j’ai mis plusieurs jours pour m’apercevoir qu’elle boitillait, reliquat d’une poliomyélite contactée très jeune. Par son attitude, elle faisait oublier cet handicap qui, pour elle n’en était pas vraiment. Quant à son yoga, elle en donne une version occidentalisée, laïque, mais qui ne renie pas ses origines orientales. 

Le séjour touche à sa fin. Chacun plie bagage et le présent s’efface devant le futur proche. J’ai l’intention de profiter de l’occasion pour prolonger la visite de Sifnos. Je dégote une carte et sans tarder je marche vers l’ouest, à travers le maquis. Une végétation rabougrie, myrte, lentisque, genévrier rampant, thym, immortelle… dont les odeurs chauffées à blanc embaument. Je découvre Vathi. Le lieu est à couper le souffle. Les quelques habitations, toutes blanchies à la chaud pour mieux lutter contre les chaleurs estivales, sont concentrées d’un côté de la baie. Une baie dont les contours suggèrent un poulpe dont le chapeau serait la plage de sable, les tentacules pointées vers le large. Une légère brise pousse des vaguelettes parallèlement au rivage. Quel tableau ! 

Prochaine étape le monastère les pieds dans l’eau de Panagia Chrysopigi. À une centaine de mètres, l’unique taverne de la plage m’accueille. Pendant que je me restaure d’une copieuse salade grecque, un berger égorge un agneau. Il pratique ensuite une incision à l’une de ses pattes, y introduit une sorte de soufflet qui lui permet de gonfler l’animal comme une baudruche et ainsi de séparer la peau de la chair. Si je reste, demain, je l’aurai au menu… Mais je préfère aller de l’avant et me rendre au tout proche village de Faros où je passe la nuit sur la terrasse d’une taverne, bercé par le bruit régulier et apaisant des vagues. 

Je me mêle bientôt à un joyeux groupe d’excursionnistes. Des jeunes athéniens et athéniennes qui se rendent à Kàstro. Le sentier serpente entre des murs de pierres sèches. L’arrivée est spectaculaire, comme l’est la situation du village perché, qui cache l’église des Sept Martyres. Beaucoup de maisons sont délabrées, d’autres fermées. Les Grecs rencontrés plutôt âgés. L’un d’eux nous accoste. J’essaye mon anglais. Le sien est parfait. Il est parti, jeune adulte, aux États-Unis et a travaillé à New-York dans la restauration, jusqu’à sa retraite qu’il est venu prendre ici. Je comprend que c’est un parcours emprunté par beaucoup de jeunes Grecs qui n’ont guère de perspective à rester au pays, à fortiori sur une île de cette taille.

Ce voyage me permet aussi et de la même façon, de visiter Milos, Ios, Naxos et Mykonos mais c’est une autre histoire.



- Sifnos, 1975, le monastère de Panagia Chrysopigi-


- Sifnos, 1975 -


- Sifnos, 1975 -


- Sifnos, Kàstro -


- Ios -


- Ios, 1975 -


- Milos, 1975 -