Hatha-Yoga, rencontres…

au feminin.

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Catégorie Geste et pensée...

Cette pratique définitivement entrée dans les mœurs, est apparue en Occident au début des années soixante. En Europe, elle fut amenée d’abord par André Van Lysebeth (1919-2004) et Philippe De Méric, deux Belges, tandis qu’en Suisse Selvarajan Yesudian (1916-1998) et sa compagne Elisabeth Haich, s’imposaient dans cette démarche vulgarisatrice.


- Eva Ruchpaul, Montréal, 1974 -

Parallèlement, en Amérique du Nord, de jeunes indiens portaient la bonne parole et trouvaient un public attentif, plus sensible encore au message spirituel véhiculé par le Yoga que chez les Européens. Ils ouvrirent des écoles qui essaimèrent rapidement à travers tous les États-Unis et le Canada. Je pense à Satchidananda et à Visnudevananda qui arrivèrent opportunément en plein épisode « Peace and Love » du New Age. Ces gurus marquèrent leur époque et ne furent pas vraiment remplacés. 

Avec le recul, on constate que la pratique du hatha-yoga, s’est concentrée chez nous sur ses effets bénéfiques présumés sur la santé physique et mentale. Certains lui ont trouvé des applications dans le domaine du sport de compétition. L’apnéiste marseillais Jacques Mayol (premier à plonger à 100 mètres de profondeur sans bouteille) montra le chemin tandis que l’entraîneur national de ski, Honoré Bonnet (période Killy-Perillat), fit suivre des cours de yoga aux membres de son équipe sous la responsabilité d’Eva Ruchpaul. C’est cette dame, petite par la taille et grande par son aura, qui me convaincra d’enseigner le hatha-yoga dans les années 70. Rencontrée par hasard à Gstaad, elle m’invite à Paris et me fait partager sa compréhension et son approche de cette technique venue de l'autre bout du monde. Considérée comme une des première femme yogi d’Europe, elle fonda à Paris un centre de formation de professeurs qui exercent, en France et à l’étranger, son yoga « bien tempéré »...


- Indra Devi, Tecate, Mexique, 1972 -

Ainsi, grâce à elle et à sa recommandation, me voilà dispensant des séances de hatha-yoga au Club Med de Guadeloupe, La Martinique et Acapulco. C’est là que je tombe - encore par hasard - sur un petit livre d’Indra Devi. J’adhère à son désir de démocratiser le yoga, de le mettre à la portée de tous, notamment des personnes âgées, et pas simplement d’en faire une forme occidentalisée de gymnastique corporelle. Je lui écrits et elle me donne rendez-vous dan son ashram de Tecate, au Mexique, à la frontière de la Californie. J’y suis un cours de formateur et en ressort diplômé de sa Saï Baba Academy. Mais sa croyance dans les miracles de son maître indien capable de matérialiser des objets et son présumé don d’ubiquité, dérange mon esprit cartésien… 

Je me retrouve quelques mois plus tard aux USA où j’enseignerai ici et là à de petits groupes. Au Québec, je réponds à une demande de Suzanne Piuze qui cherche des professeurs pour son école de Montréal et qui est sur le point d’ouvrir un centre santé-yoga à Eastman, en Estrie. D’abord journaliste, elle est à la pointe des enjeux féministes. Elle sera d’ailleurs une des premières femmes à avoir le droit de divorcer au Québec en... 1968. Elle est courageuse, elle est curieuse, elle a des idées et s’ouvre à la vertébrothérapie, l’acupuncture, la médecine naturelle… Mais je n’adhère pas à tout. Je reprendrai mon autonomie quelques mois plus tard et dispenserai encore des cours de yoga dans le cadre de l’École de danse de Françoise Graham, à Montréal. Mon retour en France, marquera un point final à cette partie de ma vie. Un bilan riche d’expériences passionnantes, mâtinées d’un seul regret. Celui de l’avoir pas pu convaincre les autorités sportives du Québec, dans la perspective des JO de 1976, d’utiliser le yoga comme un outil de préparation complémentaire pour les athlètes sélectionnés, et ce malgré l’appui de la secrétaire-générale du CIO de l’époque, Monique Berlioux. 


- Suzanne Piuze, Eastman, Quebec, 1973 -

En consultant mes archives photographiques me reviennent en mémoire des rencontres liées à la pratique du hatha-yoga. Elles sont toutes féminines. Il y a Florence dans le petit village de San Miguel de Allende, à 300 kilomètres à l’ouest de Mexico city. Dans ce village où vit une discrète mais relativement importante communauté nord-américaine, les autorités ont fait le choix de conserver son caractère typiquement colonial. Ses rues propres et pavées, ses enseignes en métal travaillé... contribuent à son charme, comme le fait que le réseau électrique y soit enterré. 


- Florence Johnson, San Miguel de Allende, 1972 -

Je loue une chambre dans la maison d’un peintre californien,  William Foley, dont j’apprécie les toiles pleines de portes, de fenêtres, de terrasses, d’escaliers censés conduire à nos âmes perdues. Je le retrouve souvent le soir dans son atelier. Il passe « Bridge over troubled water » en boucle en fumant un joint… Je resterais une dizaine de jours dans ce charmant village et participerai avec plaisir aux cours de hatha-yoga donnés par Florence Jonhson. Florence est la femme d’un général américain à la retraite. Je comprends qu’il est plus âgé qu’elle et qu’il est malade. Dans sa maison au vaste jardin, elle réunit autour d’elle, plusieurs fois par semaine, quelques pratiquantes à qui elle dispense des cours. Son yoga est propre, sans chichi, sans blabla. Et même si elle maîtrise des postures avancées, elle n’en fait pas une finalité et rassure ses élèves sur ce point. 

Je n’ai aucun souvenir de la façon dont je l’ai rencontré. Je pense par ailleurs que c’est elle qui m’a recommandé une amie mexicaine qui enseigne le hatha-yoga dans la capitale. Je m’y rends et rencontre donc Sofia Pratt dans une salle dédiée de sa vaste maison qui se trouve dans un quartier résidentiel. Elle y cultive avec élégance la souplesse grâce à cette gymnastique exotique. Et justement, c’est avant tout pour elle et ses élèves, une sorte de gymnastique exotique et à la mode de chez nous... Contrairement à Florence, elle incite à la performance, en intervenant même sur les élèves pour qu’ils fassent mieux. On se regarde un peu le nombril devant le miroir...


- Sofia Pratt, Mexico city, 1972 -

J’allais oublié la professeure rencontrée au Club Med d’Acapulco, Anne. Cette Belge dans la cinquantaine y faisait un travail apprécié. Sa technique et sa pédagogie se rapprochaient de celles d’un autre belge André Van Lysebeth, un des premiers qui avaient introduit cette discipline en Europe. Autre professeure, à Cannes, Annette Jumelle. Sage-femme, elle a été formée par Eva Ruchpaul, avec qui elle a toujours gardé le contact. Je participai plusieurs fois à ses cours pré et post natal. Parmi les points communs à tous ces pratiquants d’un hatha-yoga à l’occidentale, il y a la recherche d’une meilleure santé, d’un équilibre, d’un juste milieu, d’un meilleur contrôle des émotions, d’une absence d’agressivité, celle-ci souvent provoquée par des situations conflictuelles et des attitudes compétitives. Mais on sait que la vie en société nous permet difficilement d’échapper à ces contraintes. 


- Anne, Acapulco, 1972 -

A l’exception d’Indra Devi, l’évocation d’un yoga plus spirituel est quasiment absent dans leur enseignement. J’avais, dans mon adolescence lu le livre de Philippe de Méric, publié en 1950, « Un Yoga sans postures ». Il y prône un yoga qui soit plus une attitude mentale et morale, une philosophie de la vie, qu’une simple gymnastique de santé et qui, au grand jamais, ne se rapproche d’une religion avec tout son décorum, sa hiérarchie et ses préceptes. Et cela me convient assez bien. Je ne suis ni ne veux être un guru ou un dévot !

  • Autre épisode en rapport avec ces rencontres féminines, celle avec Jiddu Krisnamurti. D'abord à travers la lecture de ses livres, des compte-rendu de ses conférences puis lors d'un face à face dans son école de Broockwood Park en Angleterre. Mais, c’est une autre histoire...