Cannes. Petite histoire illustrée des piscines ouvertes au public : le Club House du Port Canto…
Le Port Canto fut le
premier port privé réalisé en Europe. Il fut construit sur
l’emplacement des ruines du Palais des Sports. Un projet grandiose,
une entreprise colossale qui nécessita d’abord de convaincre les
autorités au plus haut niveau de l’intérêt de l’opération, le
maire Bernard Cornut Gentille et son conseil municipal ensuite, et
les Cannois. Cela prit du temps et ne se fit pas sans mal. Le
chantier fut ensuite rondement mené par son inventeur, Pierre Canto,
un pied-noir promoteur-constructeur d’immeubles de grand luxe tel
celui du Marly. Il ne mit que 18 mois pour le réaliser, l’essentiel
des fonds provenant d’actionnaires privés rassemblés au sein de
l’International Sporting Yachting Club de la Mer.
- les ruines du Palais des Sports, années 50 -
Le port fut inauguré en juillet 1965, deux ans après, c’est le tour du Club House. Un lieu feutré destiné à une riche clientèle, notamment celle des propriétaires des luxueux bateaux ancrés dans le port. Un pub, un restaurant panoramique dirigé par un des meilleurs chefs de la région, 4 chambres VIP, un immense salons aux tentures épaisses, un Spa, et une… piscine en marbre de Carrare, eau de mer chauffée. Il y avait aussi le projet qui n’aboutirait pas, d’un établissement de jeux, en sous-sol. Il explique en partie le fait que planifié ainsi, le club house pouvait difficilement être bénéficiaire et qu’un casino - un secteur qui à l’époque connaissait une croissance annuelle à deux chiffres - pouvait à lui seul combler d’éventuelles difficultés de rentabilité...
- Le Palais des Sports, projet inachevé des années 20 -
L’inauguration du
Club House se fit donc en juillet 1967. Du beau monde, la Bégum, le
préfet Jean-Pierre Moatti, le sous-préfet Francis Illari, le maire
Bernard Cornut-Gentille, le pdg du Palm Beach Jean Marie Toutain,
André Sonnier sous-directeur du Carlton, M. Dal Torrione directeur
du Martinez, Michel Bavastro pdg de Nice-Matin, Jacques Chabrerie, M.
Hilt le capitaine du port et les principaux actionnaires du projet, l'architecte du chantier Bernard Debarge…
Les travaux allaient encore bon train quelques heures avant que le
ruban soit coupé. Les poseurs de moquettes, les peintres et les
carreleurs travaillèrent jusqu’à la dernière minute. La piscine
avait commencé à être remplie la veille en eau de mer mais quelle
ne fut pas la surprise de l’installateur des machines Degremont,
Claude Basquin, de sentir une force odeur d’essence se dégager.
L’odeur de ce mélange d’eau de mer/essence était épouvantable.
Branle-bas de combat. Avant même de chercher à trouver la cause, il
fallait d’urgence vider le bassin. Pas question de le remplir avec
de l’eau douce alors qu’on avait annoncé de l’eau de mer. On
fit alors appel aux pompiers de la ville qui, discrètement,
puisèrent à quelques mètres, l’eau du port. Avec comme
conséquence pour cette première saison, une piscine en eau de mer
qui devenait au fil des semaines de plus en plus saumâtre. Aux
baigneurs qui s’étonnaient, on fournit quelques raisons… plutôt
vaseuses.
- début des travaux du Port Pierre Canto, 1964 -
Il fallut vite se pencher sur la cause de cette mini-catastrophe. On finit par trouver. Une canalisation enterrée passait le long du quai Est pour aller puiser l’eau de mer en profondeur. Elle passait à quelques mètres de la station d’essence. Un mouvement de terrain avait semble-t-il, provoqué une mini fissure dans les canalisations rapprochées de la cuve et de celle approvisionnant la piscine en eau de mer. Chaque fois qu’on mettait en marche la pompe aspirante de la piscine, on aspirait en même temps de l’essence.
Autre anecdote, celle associée aux
dimensions de la piscine et à l’existence sur les plans d’une
pseudo patinoire… L’architecte du Port et du Club House, Bernard
Debarge, avait affirmé au futur responsable de la piscine que cette
dernière mesurerait 33 mètres (comme celle du Montfleury). Mieux,
couverte aux deux tiers, la partie découverte serait durant l’hiver
transformée en… patinoire. Mais il fallut déchanter en constatant
qu’elle mesurait 30 mètres sur dix et que sa conception la rendait
impropre à l’installation d’une hypothétique patinoire…
- ISYCC : démonstration de nageurs australiens, 1969 -
Mais les bassins ouverts au public étant suffisamment rares dans le Landerneau, celui du Club house trouva vite son public. Avec l’accord du directeur de l’établissement, Pierre Blanckaert, un club sportif y fut créé avec, à la présidence Paul Sabran, entouré de Lucien Vidal-Ayache, Alain Dartigues, Claude Basquin, Leo Denériaz, Michel Rolland. Grâce à un entraînement hivernal, et aux conseil de David Dickson, nageur australien ayant participé à deux reprises aux JO, l’International Sporting Yachting Club de Cannes obtint en deux saisons des résultats très encourageants. Émergèrent ainsi les Jean-Pierre Vidal et sa sœur Michèle, Michel Ferré, Danièle Dubray, Claudine Foulet, Isabelle Chevalier, Hélène Got, les sœurs Sabran, Garbay, Lochot, Béguin et Denériaz, Annick Drevet, les frères Amar, Ceffis, Karsenty et Leclef, Alex Ross, Anne-Marie Cros, Jean-Michel De Bloos…
Les autorisations pour ouvrir le casino
ne vinrent jamais et les actionnaires devinrent de plus en plus
réticents pour financer un club house qui avait beaucoup de mal à
équilibrer ses comptes. En quelques années, celui-ci perdit de sa
superbe. Le gastro mit la clé sous la porte, bientôt remplacé par
un night club, l’établissement de thalassothérapie et la piscine
tournaient au ralenti… jusqu’à sa fermeture définitive.
Finalement comblé en 2010, il fut transformé en parking. Bien
triste destin !
- le Club house, lieu de passage d’athlètes médaillés olympiques
comme les nageurs John Devitt, John Konrad, les skieuses Marielle Goitschell et Annie Famose…