Édito. La décroissance… une utopie d'urgence ?

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Nous reprenons volontiers le texte publié dans Nice-Matin le 29 septembre 2019. Il est signé par Thierry Prudhon, à l’époque reporter politique et éditorialiste du quotidien azuréen avant de devenir jusqu’à l’année dernière, le Conseiller politique du président du Conseil départemental, Charles Ange Ginesy. J’avais gardé avec précaution la coupure presse car la ligne éditoriale du journal abordait rarement ce type de sujet apte à déranger les lecteurs putatifs, qu’ils soient décideurs, commerçants ou… consommateurs lambda.


- photo © Alain Delmas -


« Il n’est pas évident, pour des générations plutôt choyées par l’existence, malgré quelques cahots, de changer leur logiciel. Des décennies durant, les voyages se sont allongés jusqu’aux confins du monde, les voitures se sont empâtées, la viande s’est démocratisée… La consommation est devenue le veau d’or, dans une société où les droits - y compris à l’enfant - ont largement pris le pas sur les devoirs. Et voilà qu’on nous intime soudain, pour sauver ce qui peut l’être, de nous mettre au vélo et de partir en vacances en Haute-Saône. Sans abuser de la cancoillotte de surcroît. Forcément, ça fout les jetons !
Greta Thunberg a beau être insupportable, nul ne peut plus faire fi de tous les indicateurs qui annoncent le pire. Reste à trouver la bonne distance. La décroissance aussi a ses limites. Mal calibrée, elle pourrait bien mettre du monde sur la paille. Dirigeants, individus, chacun doit, à sa mesure, balayer devant sa porte. En essayant quand même de ne pas tomber dans un misérabilisme fossoyeur. Il ne faut pas désespérer des hommes, ni de leur aptitude à se réinventer. »

Thierry Prudhon est-il aujourd’hui aussi optimiste quant à la capacité et à la volonté de l’homme à changer « son logiciel » [on dirait aujourd’hui changer de paradigme] ? J’ai comme un doute. Pour ce qui est de la suite des événements, l’actualité - que ce soit celle de la France macroniste, des USA trumpiste et complotiste, de la poudrière du Moyen Orient, de la Russie poutinienne ou de la Chine expansionniste - n’a rien de rassurant. La guerre est dans tous ses États, qu’elle soit économique, environnementale ou territoriale. La planète transpire lorsqu’elle ne se noie pas, tandis que nous continuons à dépenser sans compter ses ressources, vitales pour la biodiversité dont nous sommes le maillon déterminant. 

Il conviendrait pourtant de réfléchir sérieusement sur nos choix de société, de déterminer quelles sont les priorités à mettre en tête de gondole, de fixer un agenda. Mais nous sommes pour l’instant engluer dans nos modes de vie, dans tout ce qui nous semble important, nécessaire, voire indispensable et qui ne le sont peut-être pas. Notre monde occidental, mais pas que lui, est basé sur la Consommation. C’est tout ce qu’il y a de basique. Plus nous consommons, plus nous créons de la prospérité, des emplois. Peu importe les conséquences qui pourraient être funestes, les effets collatéraux pourtant prévisibles. Nous ne voulons surtout pas les voir, sinon de façon intellectuelle, très distanciés.


- photo © PCA -

Il y a une vingtaine d’années, j’avais écrit un éditorial intitulé : « Les Écolos sont de mauvais citoyens ! » En effet, en prônant la croissance zéro, ils empêchent la Mondialisation de se développer et de nous apporter, outre l’abondance des produits, la prospérité et l’emploi. Il y avait, vous l’aurez compris, de l’ironie dans cette affirmation. Le concept même de cette Croissance zéro n’était pourtant pas nouveau. Il avait été théorisé par le Club de Rome, en 1972. Selon ce dernier, les activités économiques devaient tendre à un état d’équilibre. Ses membres dénonçaient le postulat « croissance vaut progrès » ainsi que « le fétichisme de la croissance ». Mais, dans un contexte de ressources limitées, le Principe de réalité... politique, social et économique, nous force maintenant à envisager la Décroissance comme une possibilité. Elle nous fait peur bien sûr, dans la mesure où elle menace notre mode de vie, nos certitudes.

Nos chefs d’entreprise et nos élites s’épuisent à résoudre les problèmes au jour le jour, alors que demain frappe à la porte. Des chercheurs scientifiques argumentent eux, que nous ne serions pas programmés pour appréhender le futur dans toute sa complexité, et incapables de poser les gestes logiques et nécessaires pour en maîtriser les conséquences sur le long terme. Nous ne serions pas programmés pour ça. Ce ne serait pas dans notre ADN, désespérément cromagnonesque teintée de néandertalesque. En écoutant les nouvelles à la radio, tous les matins, devant mon café... noir, je ne suis pas loin de le croire. Dézolé !