- mimosas, Mandelieu, contrefort du Tanneron
au loin, les îles de Lérins -

« Le mimosa est la vedette incontestée des végétaux sur la Côte d’Azur. Dès le début janvier, des taches jaunes de mimosas nous accueillent comme un clin d’œil sympathique sur les collines de Golfe Juan. Le mimosa (Acacia dealbata), arbre introduit d’Australie prend progressivement possession par sa floraison spectaculaire des jardins, des abords de routes et des massifs forestiers au cours des mois de janvier, février et jusqu’au début de mars. Le mimosa participe à la vie sociale, économique et touristique des villes de la Côte d’Azur et du littoral varois, de Bormes-les-Mimosas à Nice avec ses corsos fleuris et ses batailles de fleurs qui attirent chaque année des centaines de milliers de spectateurs.

L’introduction du mimosa sur la Côte d’Azur est intimement liée à la transformation progressive d’une pléiade de petits villages de pêcheurs le long de la Méditerranée pour créer une destination de villégiature unique au monde. Ce sont les Anglais et en particulier à l’un des leurs, Lord Henry Brougham, écrivain et homme politique, qui sont à l’origine de cette transformation et de l’introduction du mimosa à Cannes.

Lord Henry Brougham découvre Cannes et la Côte d’Azur en 1834 et dans son vaste domaine de la Croix-des-Gardes, magnifique colline avec vue sur l’Estérel, les îles de Lérins et la Méditerranée, introduit le mimosa à partir de jeunes plants obtenus du Jardin botanique de Kew à Londres. Ces arbres y avaient été rapportés par le célèbre explorateur James Cook en 1788. Personnalité de premier plan en Angleterre, Lord Brougham passera tous ses hivers à Cannes jusqu’à son décès en 1868.

Cannes, village de pêcheurs localisé dans le quartier du Suquet, abrite environ 2500 habitants au 19e siècle. Le Suquet demeure aujourd’hui le quartier historique et a conservé son charme, ses rues traditionnelles, son église et ses musées tout en préservant les activités maritimes de pêche et de voile dans son Vieux-Port. 

La transformation de Cannes a débuté un peu plus à l’ouest par l’arrivée de 1200 familles de riches anglais sur la colline de la Croix-des-Gardes, appelée ‘quartier des anglais’ par l’addition de magnifiques villas de style Renaissance Italienne suivies par des hôtels, des églises anglicanes, des courts de golf, de tennis, le yachting, le thé et ses salons, le whisky et ses bars, la bière car les anglais apportent leurs usages et le raffinement d’une société aristocratique, avec ses domestiques stylés et ses grandes réceptions. Les têtes couronnées d’Europe et leurs cours suivent les Anglais et rapidement, les grands hôtels tout comme de nombreux commerces (tailleurs, épiceries, pharmacies, banques, casinos) voient le jour.

Plus tard, dans les années 1920 à 1930, Winston Churchill, célèbre homme politique et aristocrate, fera de fréquents séjours à Cannes, en plantant son chevalet de peintre près du Vieux Port dans le quartier du Suquet.

- monument dédié à Lord Brougham, Cannes -

En plus des mimosas, les Anglais auront introduit l’Eucalyptus, les Araucarias, les Casuarinas, les cèdres du Liban et de l’Atlas, les bougainvilliers du Brésil, les iris de l’Asie et une grande quantité de palmiers. Mais, c’est sans contredit le mimosa qui trouvera dans les jardins de la Croix-des-Gardes les conditions idéales à son épanouissement et à son expansion rapide. Ses fleurs, grappes de glomérules d’un jaune-or séduisent les nouveaux hivernants et en quelques années, le mimosa conquiert le cœur des gens, s’implante d’un jardin à l’autre, décore les tables d’hôtes lors des réceptions et apporte au paysage hivernal l’éclat d’un soleil jaune-or. Rien n’arrête plus le mimosa qui se répand vers l’ouest et le nord dans les massifs forestiers pour coloniser Mandelieu, le Tanneron, Pégomas et jusqu’à Grasse la capitale de la parfumerie où son parfum doux et suave trouve mille usages comme eau de toilette, parfum d’intérieur, parfums pour femmes ou pour hommes, savons, etc...

Un peu de botanique et d’horticulture : le mimosa est un acacia qui fait partie de la famille des Fabacées (anciennement les Légumineuses). Ce sont des plantes à fleurs, arbres ou arbustes, très répandues dans le monde entier. L’Australie en compte 1 000 espèces sur les 1 500 espèces répertoriées à ce jour. L’acacia demande une exposition ensoleillée et se développe surtout en milieu acide et sur un sol meuble.

Les feuilles sont composées bipennées de couleur vert-bleutée tandis que les fleurs forment des têtes globuleuses de couleur jaune ou blanche. Ses racines portent des bactéries (rhizobium) qui permettent à la plante de capter l’azote de l’air du sol et ainsi se développer plus rapidement. La floraison des mimosas d’un jaune éclatant dure de trois à six semaines entre les mois de janvier et mars. Les graines sont logées dans des gousses recouvertes d’une enveloppe dure, semblable à un haricot et leur germination a lieu après un feu ou de fortes pluies.

Les inflorescences denses et globuleuses forment des têtes sphériques appelées glomérules réunissant de 10 à 100 fleurs. Le mimosa se multiplie facilement par semis, bouturage, marcottage ou par la greffe par approche. Cette dernière technique permet le greffage des mimosas les plus connus (Acacia dealbata et ses nombreux hybrides et variétés) sur un porte-greffe (Acacia retinodes) empêchant le développement des drageons envahissants.

La route des Mimosas de Grasse à Bormes-les-Mimosas, c'est 130 kilomètres d’émerveillement. Le mimosa s’est répandu rapidement sur une grande partie de la Côte d’Azur à partir de Cannes, Mandelieu, Pégomas, Grasse pour ensuite se développer vers l’ouest en contournant le fameux massif de l’Estérel, magnifique série de montagnes d’origine volcanique avec ses pics acérés de couleur ocre et ses points de vue à couper le souffle. L’Estérel est maintenant un site protégé abritant une végétation de chênes, de châtaigniers, de pins maritimes et d’Alep et un maquis de sous-bois exceptionnel (cirses, lentisques, lavandes, genévriers…). Le mimosa prolifère surtout le long de la mer et dans les milieux ouverts et ensoleillés, aidé par la fréquence des feux en été.

- Pierre Bourque et Yohann, guide forestier de Passion Estérel -

C’est dans le village de Tanneron, commune formée de 22 hameaux que l’on découvre sur des dizaines d’hectares l’éclatante expansion du mimosa, couvrant les flancs des collines et des cols. Plusieurs mimosistes se sont établis dans cette région et s’adonnent au forçage des mimosas dans des hangars chauffés entre 22 et 25 degrés Celsius.  Les mimosas sont par la suite exportés comme fleurs coupés dans toute l’Europe. Plus à l’ouest, nous découvrons le village médiéval très réputé de Bormes-les-Mimosas où l’on retrouve une grande concentration de mimosas. En 1968, le village a ajouté à son nom le qualificatif de Mimosas pour souligner la présence et l’estime des citoyens pour cette fleur mythique. On y retrouve aussi le premier producteur de mimosas en Europe, la pépinière Cavatore avec ses 180 variétés de mimosas. De plus, cette pépinière est le détenteur de la collection nationale du Conservatoire des collections spécialisées.

Fleur emblématique, reine de la Côte d’Azur, le mimosa n’en cache pas moins un aspect peu reluisant de sa forte personnalité. Le mimosa est aussi une plante envahissante : c’est l’envers de la médaille. Le mimosa a été classé sur la liste noire parmi les espèces les plus envahissantes par le Conservatoire Botanique Méditerranéen de Porquerolles. Le mimosa forme des peuplements denses qui deviennent vite impénétrables et empêchent le développement d’autres espèces locales et indigènes.

- drageonnement de mimosas -

Le drageonnement et les rejets de souche sont tels qu’il faut répéter durant plusieurs années les coupes avant que la végétation naturelle puisse concurrencer l’espèce envahissante et reprendre ses droits. De plus, le mimosa se propage rapidement de façon sexuée par ses nombreuses graines, surtout après des incendies. Ainsi, le mimosa menace directement la biodiversité. Aujourd’hui, dans les pépinières, l’on ne vend que des sujets greffés tandis qu'aux abords des villes, les jardiniers tentent, par des coupes successives, de freiner l’expansion des mimosas sur leur territoire.

Malgré cette mise au ban par les professionnels de l’écologie, le mimosa n’est pas prêt à battre en retraite et continuera encore à embellir l’hiver de la Côte d’Azur, à susciter l’émerveillement de milliers de gens et à faire partie intégrante du patrimoine azuréen. »

Pierre Bourque