L’Algérie française. Entre espoir et désespoir…
« Le sang sèche vite en entrant dans l'Histoire ! » Jean Ferrat
- Alger, les barricades, 1960 - photo © Christophe Marcheux -
- « La famille Lemasuyer, et ses descendants, était encore là en 1962 quand il a fallu abandonner ce pays, cette terre que tous ses habitants aimaient viscéralement. Partir sur les chemins de l’exil. Laisser son âme, ses biens, ses morts, sa patrie. Pourquoi ? »
- Oui, « pourquoi ? » : c’est cette interrogation profonde qui guide la plume de Jocelyne Mas. Ses livres ont beau connaître un succès qui ne se dément pas. Rien n’y fait. Pour l’écrivain autant que pour la femme, le temps semble s’être s’arrêter il y a plus d’un demi-siècle déjà. Cette cannoise d’adoption poursuit, au grand jour, une quête partagée par des milliers de Français, comme en témoignent les nombreux témoignages postés sur son site internet.
- Pourquoi fallait-il donc quitter ce pays ? Ce pays ? L’Algérie bien sûr. L’Algérie de Baraki, le village de son enfance où elle a passé des moments d’intense bonheur chez ses grands-parents. L’Algérie d’Alger aussi, Alger dite « la Blanche » dont elle a remarquablement exhumée le souvenir dans son premier livre « Il était une fois ma vie, Alger la Blanche. » Elle nous livre des histoires vraies, des histoires vécues. Ce livre que je suis heureuse de préfacer : « Attache ta charrue à une étoile », retrace l’aventure de ceux qu’elle appelle avec justesse les « Pionniers ». Des pionniers, les membres de la famille Lemasuyer en sont.
Nous sommes à la fin du XIXe siècle. L’histoire commence précisément en 1850. La France et l’Algérie ont lié leurs destins depuis déjà une vingtaine d’années. Métayers dans une ferme en Bretagne, les Lemasuyer envoient l’un des leurs, Gwendal, sur l’autre rive de la Méditerranée afin d’y prendre possession de terres agricoles concédées par le gouvernement. Ces Bretons habités par la culture de l’Ouest de la France apprennent à aimer l’Algérie, ses couleurs et ses saveurs. Ils l’aiment tellement, cette Algérie, qu’ils sont désespérés de la quitter en 1962. Ce désespoir-là, Jocelyne Mas le porte aussi au fil des pages. Elle aussi a été « arrachée » à sa terre. Comme eux, elle ne s’en est jamais vraiment remise. On comprend pourquoi : comment trouver la force de tout recommencer ?
L’écriture s’impose alors comme une thérapie salvatrice. Non pas que la nostalgie soit une maladie dont il faudrait se soigner absolument. Bien au contraire. Il s’agit tout simplement d’écrire pour ne pas oublier. Écrire pour redonner vie aux souvenirs. Écrire pour célébrer les lumières d’une Méditerranée bleue comme la mer mais aussi rouge comme le sang tant les combats y sont souvent fratricides.
Dorénavant, la Méditerranée de Jocelyne est au Sud. Avant, écrivait-elle dans son deuxième livre : « Chez nous, en Algérie, la Méditerranée était au nord. » Notre écrivain, dont l’œuvre a déjà été récompensée par de nombreuses distinctions locales et nationales, s’est installée sur la Côte d’Azur. Une Côte d’Azur source d’inspiration évidemment avec, par exemple, les richesses du haut pays grassois qu’elle apprécie autant que moi.
Mais l’essentiel est ailleurs. Pour Jocelyne Mas, cette cicatrice est une blessure qui ne s’est jamais vraiment refermée et encore moins cicatrisée. Notre Histoire est aussi faite de ces feux mal éteints.
Michèle Tabarot, Députée de la Nation