Faut-il voyager pour être heureux ?
Bonne question posée par EDF à l’heure où le changement climatique frappe à notre porte et où la proximité s’invite au débat. Quant au bonheur, s’il n’est pas dans le pré, où est-il, sinon à l’intérieur de nous-même ?
- Santiago Sierra © Estudio de Santiago Sierra / Adagp, Paris, 2022 -
C’est le thème de l’exposition inédite en France présenté par la Fondation groupe EDF. Jusqu’au 2 avril 2023, elle invite les visiteurs à se questionner sur le voyage aujourd’hui au travers des œuvres de 32 artistes contemporains, français et internationaux. Elle aborde des sujets d’actualité, comme la mobilité repensée à la suite de la crise sanitaire, les enjeux environnementaux de la préservation des écosystèmes et du changement climatique, ou encore les migrations contraintes et l’exil. C’est aussi une invitation au plaisir et à l’émotion pour découvrir d’un autre œil l’univers du voyage. Près d’une cinquantaine d’œuvres – installations, peintures, vidéos ou encore photographies - évoquent ces questions majeures.
Laurence Lamy, deléguée générale Fondation groupe EDF, débriefe :
« Paradoxe : c’est en plein confinement que nous est venue cette idée d’exposition sur le voyage. Tandis qu’émergeait chez les plus gâtés de nos sociétés occidentales cette plainte : Si je ne peux plus bouger, je vais craquer. Et que surgissait parallèlement son versant contraire : et si cette immobilité contrainte s’offrait comme une chance pour la préservation de la planète ? Faut-il voyager pour être heureux, est une question qui ne trouvera pas à être résolue par une réponse binaire. Nos désirs comme nos pratiques révèlent nos contradictions.
D’un côté, la nécessaire transition écologique, les impacts de la mise en tourisme de la planète. De nouveaux freins aussi, géopolitiques ou sanitaires, qui contredisent l’image d’un monde ouvert à tous les voyageurs. De l’autre, ce désir anthropologique irrépressible de franchir la colline. Le voyage révèle nos paradoxes individuels : le voyageur est objet de l’industrie touristique, mais le voyageur est aussi sujet de ses désirs de découvertes et d’expériences. Il révèle aussi l’inégalité de nos conditions : le voyage d’agrément des classes moyennes et supérieures des pays développés certes, mais aussi les migrations subies du Sud, de plus en plus motivées demain par des raisons climatiques.
On trouvera, avec cette édition sur le Voyage, le cœur de la proposition des expositions de la Fondation : enchâsser récit sociologique et imaginaire artistique. Avec une intention qui ne se veut pas conseil de bonne vertu ni mode d’emploi du bien voyager. Quelle serait notre légitimité par exemple à intimer aux classes moyennes émergentes des pays du Sud de rester demain chez elles, comme Chateaubriand déplorait l’arrivée des classes populaires anglaises sur les ruines du Parthénon ?
Ce qui est proposé ici n’est pas leçon de morale mais matière à penser et à ressentir, à questionner le voyageur que nous sommes dans son statut de sujet complexe aux motivations multiples. Explorer de nouvelles frontières spatiales, technologiques ou, à rebours, redonner sa valeur au trajet plus qu’à la destination, réenchanter le local ? Les imaginaires sont pluriels. Laissons la trentaine d’artistes invités nous inspirer sans dessiner de solution prête à l’emploi. Leurs récits, leurs fantaisies, leurs représentations nous invitent à étalonner à nouveau les nôtres pour composer notre Voyage. »
- Mali Arun, Paradisus, 2016 © Mali Arun / Thomas Ozoux -
- [DNLR : ceux qui veulent voyager envers et contre tous (et qui en ont les moyens), trouveront toujours de bonnes raisons pour justifier le désir, un désir alimenté par une industrie ad hoc. Le voyage (au bout du monde), n’est pas fort... heureusement la condition sine qua non du bonheur, sinon ça se saurait.]