Festival de Cannes : J moins 16

quand Jean Diwo parlait de gros sous… en 1959.


- Kim Novak faisait la couverture de ce Paris Match collector. L’actrice était venue défendre au Festival le film américain sélectionné : Au milieu de la nuit -

Nous étions en 1959 et Fernand Dartigues faisait paraître le premier numéro de son magazine « Cannes Festival » qui deviendrait plus tard Paris Côte d’azur. Jean Diwo, lui, dans le numéro du 16 mai de "Paris-Match" parlait, à propos du Festival, de ce qui gouverne notre monde en dehors du sexe : l’argent, le pognon, le fric, l’oseille, le flouze… le grisbi.

C’est qu’au même moment et sur le même lieu naissait le Marché du Film. Un Marché qui se déroulait jusque-là, plus ou moins formellement, dans les cinémas de la ville. Raoul Aubert et son frère, directeurs de salles obscures cannoises et principaux organisateurs, voulurent d’ailleurs officialiser la chose mais le centralisme parisien eut raison de leur volonté de garder le bébé à Cannes. Le Festival et le Marché ont toujours été des entreprises bien parisiennes. On peut le regretter car le système aurait tout aussi bien pu fonctionner à partir de la ville… du Festival, avec une antenne dans la capitale.

Jean Diwo, dans son reportage, mettait bien en évidence les liens entre le Cinéma et le business et les marchandages qui s’en suivent. Il ne craignait pas de citer des noms et de donner des exemples. Tout ou presque semblait se passer au Carlton. Un balai incessant :

« Tout stores baisés, le palace faisait la grasse martinée. Le parfum du whisky n’avait pas encore supplanté celui de l’encaustique dans le bar désert… » que déjà avaient lieu les premières rencontres entre producteurs et distributeurs. Plus tard la terrasse ensoleillée se remplirait, laissant flotter dans l’air l’odeur des gros cigares qu’affectionnent les milliardaires du cinéma américain. Sam Spiegel est là. Le producteur du "Pont de la Rivière Kwaï" est entouré par les représentants de la Columbia, de la MGM, des Artistes Associés et la Paramount.

« Ce n’est pas seulement pour se dorer au soleil et jouer au gin rummy que ces messieurs ont quitté leurs bureaux d'Hollywood et de New York. Tous les producteurs d’outre-atlantique rêvent de répéter à leur profit le miracle de Marty en 1955. Malgré un Oscar, ce film sans prétention ne faisait pas un sou, même à New York, lorsque le jury de Cannes lui décerna son grand prix. Le résultat fut immédiat : toute l’Amérique se rua aux guichets et le film produisit une fortune ».

Le marché est toujours là, dispersé aux quatre coins de la ville, discret, travaillant dans l’ombre des halls de palace, ou aux étages, dans des chambres luxueuses. Le but est toujours le même, vendre une idée, acheter le moins cher possible, revendre le plus cher possible… à des distributeurs qui ont la même idée en tête.

Cette année là, il fallait parier sur la « nouvelle vague ». Amenée par François Truffaut et ses 400 coups, il allait enflammer la critique. Tout le monde en veut du cinéma français, du Rivette, d'Eric Rohmer, du Jacques Doniol-Valcroze, d'Alain Resnais… dont le Hiroshima mon amour bouleverse le public du Festival.

Pour les acteurs français, c’est l’inflation des cachets, précise Jean Diwo. De pauvres, ils deviennent riches, s’installent dans des appartements de luxe, roulent en voiture de sport et se payent une maison d campagne… C’était en 1959. La plupart des protagonistes de cette époque sont entrés dans le livre des records… du cinéma international. Beaucoup aussi ont rejoint les pionniers du 7ème Art et dorment avec eux dans l’ombre du souvenir.

  • Jean Diwo. Grand reporter à Paris Match, fondateur et directeur de Télé 7 jours, il est passé du journalisme et de la direction d’entreprise à la littérature. On le découvre avec Les dames du Faubourg. Auteur de romans historiques à succès, il en produira de nombreux tels Les violons du Roy, Au temps où la Joconde parlait, Les dîners de Calpurnia et le dernier La chevauchée du Flamand publié en 2007. 249, faubourg Saint-Antoine, publié la même année est un roman intimiste. Il y parle d’une enfance dans une famille qui ressemble… à la sienne. Jean Diwo est né en 1913… No comment !



Alain Dartigues

- mention : www.pariscotedazur.fr – avril 2008 -
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