Le mal amour.

Entre le quotidien Nice-Matin et le maire de Cannes, c'est "je t'aime, moi non plus".

Le mariage d'amour et de raison entre Nice-Matin et le maire de Cannes bat de l'aile. Bernard Brochand, on ne sait pas exactement pour quelle raison, a donné comme consigne aux élus de sa majorité et aux agents de son administration, de ne plus répondre aux questions des journalistes du seul quotidien local. On comprend l'émoi des journalistes qui n'hésitent pas à comparer cette décision avec celle du rigide maire d'Orange qui a coupé les ponts avec la presse régionale et locale.

Interpellé à ce sujet, le correspondant départemental du Monde, ne s'en est pas ému pour autant : "beaucoup de municipalités pratiquent, de fait, le même genre de censure".
Pour le député maire de Cannes, cette période sensible nécessite "une communication parfaitement maîtrisée et réfléchie." D'où ce contrôle qui passe obligatoirement par le service Presse de la mairie. On ne parle pas encore de sanctions, mais il s'agira "de respecter très rigoureusement cette procédure."

Il est vrai que depuis un certain temps, Nice-Matin se gênait moins pour donner la parole aux opposants et aux grincheux. Au point, sans doute, d'indisposer le maire. Quoiqu'il en soit, plusieurs numéros qui suivirent cet accrochage, mirent plutôt en exergue les dossiers qui dérangent plus que ceux qui rassurent un lecteur qui est souvent un électeur. Au point que, dans le numéro du 21 juin 2005, en première page, les Cannois apprenaient en même temps qu'ils étaient mécontents du plan d'urbanisme et que certains policiers se plaignaient de sous-effectif, "de harcèlement moral, du mépris et de mise à l'écart". Titres développés pleine page à l'intérieur avec, pour faire bonne mesure, un article sur l'hélistation du Palm Beach qui est loin de faire l'unanimité.
On peut à ce propos réfléchir sur la liberté de la presse, sur le besoin impératif qu'ont les médias de capter les budgets de communication des institutions officielles, CG, CR, agences gouvernementales, mairies,…

Connaissez-vous un produit que l'on vend moins cher qu'il ne coûte à produire ? Les journaux et la plupart des magazines d'informations sont dans ce cas (ne parlons pas des "gratuits"). Le "Canard enchaîné" semble un des rares à échapper à cet état de fait. Alors, comment garder sa plume libre et se trouver, par les circonstances, amener à critiquer un annonceur ? Alors, quelles que soient les déclarations des rédactions, il ne faut pas rêver, l'auto censure fonctionne à plein. Les choses et les gens étant ce qu'ils sont, pourrait-il d'ailleurs en être autrement ? Lorsque la municipalité cannoise (ou une autre) se paie une double page de "publi-rédactionnel" (un genre destiné à faire croire qu'il s'agit d'un reportage objectif), on imagine qu'elle s'attend à un retour sur investissement. Pas simplement venant des lecteurs mais aussi de la part du quotidien qui, stimulait par cet apport finacier, donnera un éclairage accru sur les réalisations de la municipalité plutôt que sur les dossiers embarrassants. Je te soutiens, tu me soutiens !

Lorsque le Conseil général ou la CCI achète des espaces publicitaires quasiment toutes les semaines, ces institutions supporteraient-elles, sans réagir, un regard qui soit trop critique sur leurs actions ? Se gêneraient-elles pour réclamer, avec s'il le faut quelques précautions verbales, une couverture médiatique plus conséquente ?

Dans les régions et dans les communes où existent plusieurs médias, la situation est un peu plus saine. La concurrence joue et peut permette un traitement de l'information plus objectif, quant à la presse d'opinion, elle se trouve alors plus facile à décoder pour le lecteur qui est aussi un électeur…


- mention : www.pariscotedazur.fr - juillet 2005 -