Nice. Yves Klein chez Matisse…

Situé à quelques mètres de son ancien atelier du Régina, à Nice, là-même où l’artiste a créé pendant plus de trente ans de sa vie, le musée Matisse a pour mission d’explorer la réception de l’œuvre de Matisse. Il consacre actuellement des expositions-dossiers ou des contrepoints au cœur de ses collections, tel celui intitulé « Le pouvoir bouleversant de la couleur » dédié à Yves Klein et présenté au premier étage du musée, jusqu'au 14 avril prochain.


Jusqu’à la fin de sa vie, Henri Matisse a cherché « autre chose que l’espace réel » et remis en question les canons de la peinture traditionnelle. Avec les papiers gouachés découpés, il exprime une radicalité artistique échappant à tous les schémas préexistants à une époque qui, marquée par les progrès de l’aviation, « a amené une nouvelle compréhension du ciel, de l’étendue, de l’espace ». 


- Yves Klein, Anthropométrie, 1960,
Photo © Succession Yves Klein, Adagp, Paris 2024 -


Cette appropriation de l’espace et la sensation d’envol induite par ses papiers gouachés découpés ne sont d’ailleurs pas étrangères à Yves Klein. Dès 1946, celui-ci signe son nom « de l’autre côté du ciel », s’appropriant le bleu et l’espace infini comme l’une de ses toiles. Connu pour ses « propositions monochromes » et ses « zones de sensibilités picturales », Yves Klein partage des affinités avec Matisse, dont l’œuvre dépasse largement le concept du tableau de chevalet classique. En effet, chez Klein, la couleur investit l’espace dans des œuvres sans limite, dont les bords s’estompent à mesure que la gouache pure envahit la surface.

Henri Matisse et Yves Klein renouent avec des pratiques esthétiques anciennes, notamment celles de la tradition byzantine et des primitifs italiens, dont la parenté avec certaines de leurs œuvres est évidente. Il n’y a qu’à constater, par exemple, les enseignements précieux qu’ils tirent de leur découverte respective des fresques de Giotto à Padoue et à Assise.

Les deux artistes se rejoignent aussi dans leur volonté d’étendre la surface de leurs œuvres. Klein utilise le pigment bleu IKB pour atténuer le contour de ses monochromes, un écho éloquent à l’axiome de Matisse rappelé par le journal Le Monde à l’occasion de l’exposition d’Yves Klein chez Iris Clert en 1957 : « Un mètre carré de bleu est plus bleu qu’un centimètre carré du même bleu. » En outre, ils cherchent des solutions aux limites de la ligne dans la tridimensionnalité et entretiennent un rapport similaire à la sculpture, s’appropriant œuvres anciennes et arts lointains.

  • Le MAMAC étant actuellement fermé pour travaux, le musée Matisse expose huit œuvres d’Yves Klein, offrant ainsi un contrepoint inédit dans le parcours de ses collections. S’inscrivant dans le cadre de la programmation hors-les-murs du MAMAC, ce prêt témoigne d’une dynamique de recherche collaborative entre les deux musées niçois.