Guimet. Un peintre chinois à Paris…
Le Musée national des arts asiatiques présente, du 6 mars au 17 juin, Zao Wou-Ki (1927-1991).
Arrivé à Paris en 1948, officiellement pour y suivre des études de médecine, T’ang Haywen ne quittera plus la France. Il découvre un pays où la création est en pleine effervescence. Comme d’autres artistes étrangers, il s’y confronte à la modernité occidentale et, à l’image des premiers artistes chinois venus à Paris pour se former, dont Zao Wou-Ki (1920-2013) ou Chu Teh-Chun (1920-2014), il devient une des figures marquantes de ce foyer bouillonnant de vie artistique qu’est alors Montparnasse.
Formé à la peinture occidentale, ses carnets de dessin révèlent qu’il visite régulièrement les musées parisiens, dont le musée Guimet, et qu’il s’inspire de la ville dans des paysages urbains croqués rapidement au stylo à bille. Lettré moderne, insatiable curieux des arts et cultures de l’Occident, il trouve à Paris sa vocation de peintre. Formé à la calligraphie par son grand-père et intéressé par la philosophie taoïste, il y vit libre des contraintes matérielles ou sociales.
S’il était un grand voyageur, il fit de la France sa terre d’élection, et de l’art occidental une puissante source d’inspiration, tout en restant profondément chinois ; une dualité qui l’habita pendant toute sa vie d’artiste. Initié à la calligraphie par son grand-père au Vietnam, sa peinture s’impose comme un vibrant trait d’union entre la tradition asiatique de l’encre monochrome pure et l’influence occidentale de la couleur éclatante, entre figuration et abstraction, ou plutôt la « non-figuration » comme il préférait la décrire.
Ses premières années à Paris sont illustrées par quelques études à l’aquarelle et à la gouache, influencées par la peinture des grands maîtres tels que Paul Cézanne, Henri Matisse ou Paul Klee.
Son style propre s’affirme dans ses paysages abstraits et calligraphiques des années 1960, entre couleurs vives et monochromes. La période à partir du début des années 1970 jusque vers 1983-84 est évoquée par des peintures à la gouache ou à l’encre, polychromes ou monochromes. Les années 1970 voient s’épanouir son format de prédilection, le diptyque.
Des formats plus importants, présentés dans l’exposition, permettent à T’ang Haywen de donner à voir des paysages abstraits à l’encre monochrome, tandis que les petits formats, papiers pliés, diptyques et triptyques des années 1980-1985 montrent une pleine maîtrise de son geste et de son pinceau. Ces œuvres expriment le dynamisme et la tension taoïste entre le plein et le vide, le noir et le blanc, le monde visible et le monde de la pensée. Des créations inédites ainsi que des éléments d’archives, qui avaient été conservés dans le secret de son atelier, lèvent un voile sur l’intimité de cet artiste fondamentalement épris de liberté et de dépouillement, reflétant son inclination pour l’ascétisme oriental.
Peintre itinérant, T’ang Haywen privilégiait les formats transportables dans son carton à dessin. Ces œuvres originales et touchantes sont montrées au public pour la première fois, telles que des cartes postales envoyées à ses amis et connaissances, des carreaux de céramique peints, vestiges d’un séjour à San Francisco en 1965, de petits portraits monochromes et des pages de carnets de croquis.
L’exposition présente une large sélection de l’exceptionnelle donation de 202 œuvres et environ 400 pièces d’archives personnelles au musée Guimet, effectuée par la Direction nationale d’interventions domaniales en 2022. Elles retrouvent aujourd’hui la lumière et permettent d’évoquer la destinée unique de T’ang Haywen, artiste moderne singulier de l’après-guerre.