Nitrates : la France bientôt à l’amende.
Un dossier ancien et mal géré.
La France vient d’être condamnée par la Cour européenne de justice qui a jugé qu’elle n’avait pas adopté toutes les mesures nécessaires concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Jugement qui fait suite aux constatations faites et aux remarques formulées dans un premier temps par la Commission ad hoc.

Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, et Stéphane Le Foll, ministre de
l'Agriculture, ont pris acte de la condamnation, s’efforçant néanmoins de
minimiser expliquant que « la plupart des sujets soulevés dans le
jugement de la Cour ont déjà été corrigés dans le nouveau dispositif », et que des discussions sont
engagées avec la Commission « sur
certains points sensibles ».
Il s'agit de la deuxième condamnation pour mauvaise application de la
directive nitrates, la première datant de juin 2012. Si la France ne répond pas
assez rapidement aux attentes de la Commission, de nouvelles condamnations seront
prononcées qui se chiffreront alors en dizaines de millions €.
Les principaux griefs de la Commission concernent les périodes minimales
pendant lesquelles l'épandage des divers types de fertilisants est
interdit ; l'absence de règles contraignantes, comportant des critères
clairs, précis et objectifs concernant le calcul des capacités de stockage
d'effluents d'élevage ; l’autorisation de stockage au champ du fumier
compact pailleux, pour une durée de 10 mois.
Sont aussi dénoncés l'absence de règles permettant aux agriculteurs et
aux autorités de contrôle de calculer de manière exacte la quantité d'azote
pouvant être épandue afin de garantir une fertilisation équilibrée. De même les
valeurs de rejet d'azote prévues par la circulaire du 15 mai 2003 pour les vaches laitières, les autres
bovins, les porcins, la volaille, les ovins, les caprins, les équins et les
lapins avaient été calculées sur le fondement de quantités d'azote excrété par
les animaux inexactes... Autre point conflictuel : la France ne dispose
pas de règles satisfaisantes, comportant des critères clairs, précis et
objectifs, relatif aux conditions d'épandage de fertilisants sur les sols en
forte pente.
Enfin, la Commission reproche l'absence de règles interdisant l'épandage
de tout type de fertilisants sur les sols gelés ou couverts de neige alors
qu'un tel épandage comporte des risques importants de ruissellement et de
lessivage.
Pour l'association Eau et rivières de Bretagne « Cette nouvelle
condamnation n'est évidemment pas une surprise, tant les gouvernements
successifs ont tellement tergiversé et fui leurs responsabilités, pour ne pas
déplaire à la FNSEA ». Et de
mettre en avant les signes de ce laisser-aller notamment par l'abandon
des captages pollués et les marées de plus en plus...vertes. Les responsables
de l’association sont d’autant plus furieux et frustrés que tout ceci a un coût
(dépollution, amendes...) alors qu’il est selon eux possible de mettre en place
une politique agricole respectueuse de l'environnement et d’ajouter que « des
milliers d'exploitations en font déjà la démonstration ! ».
Ils invitent aussi le gouvernement à taxer les engrais chimiques azotés,
utiliser les aides de la politique agricole commune pour encourager les
pratiques agricoles à basses fuites d'azote, renforcer et mieux contrôler et
sanctionner la réglementation préventive des pollutions dans les zones
vulnérables.
À l’autre bout, la FNSEA, les Jeunes agriculteurs, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture et Coop de France, se plaignent « de la multiplication des contrôles, de décisions inadaptées, de jugements biaisés, empilement de mesures incompréhensibles et inapplicables, voilà désormais le quotidien des agriculteurs ». Ils souhaitent la mise à plat du dossier. Ce dernier message semble avoir été entendu par le Premier ministre qui, lors d’un récent déplacement en Gironde, a annoncé que son gouvernement souhaite lancer de nouvelles études scientifiques sur le sujet, afin d'appuyer une demande de révision auprès de Bruxelles.
Mais cela ne semble pas pour autant rassurer les
porte-paroles d'Europe Ecologie les Verts, Julien Bayou et Sandrine Rousseau.
Découragés, malgré les cinq programmes successifs mis en œuvre depuis 1991 et
l’augmentation de la pollution des eaux souterraines conduisant à la fermeture
de captages de points d’eau devenue non-potable, ils craignent que le « gouvernement
cède à la tentation de relâcher les normes ».