Tribune libre : l'économiste Gaël Giraud pose la question :
« Et si Montebourg avait raison ? »
Gaël Giraud, économiste, directeur de recherche au CNRS, membre du Centre d’Economie de la Sorbonne, de l’Ecole d’économie de Paris et auteur notamment aux Éditions de l'Atelier du livre Illusion financière prend la défense d’Arnaud Montebourg :
L'ex-ministre Arnaud Montebourg avait au moins compris deux choses : la première, c'est qu'il n'y a pas de prospérité économique sans une industrie puissante ; la seconde, c'est que, pour ressusciter l'industrie française, il faut une politique interventionniste audacieuse de l'État. C'est pour avoir défendu ce point de vue qu'il a été limogé et, du point de vue du débat économique, c'est pourtant lui qui a raison. La politique d'austérité européenne repose sur un diagnostic erroné : le déni du risque déflationniste qui pèse sur notre continent surendetté.
L'Etat n'est pas l'acteur le plus endetté en zone euro (90% du Pib en moyenne, sous forme de dette publique) mais c'est le secteur bancaire (350%). L'entêtement à donner la priorité au désendettement public a déjà fait la preuve de son inefficacité dans les pays du sud européen. Le seul acteur à qui une telle politique peut bénéficier, ce sont les banques, fragilisées par l'excès de dettes publiques qu'elles détiennent, et qui seraient au tapis si l'Etat français perdait sa côte d'amour avec les marchés.
Le débat qui oppose Arnaud Montebourg au gouvernement précédent touche donc la question de savoir qui, de l'industrie ou de la finance, est prioritaire en France. Apparemment, le gouvernement dont l'ami, c'est la finance a fait son choix. Une finance pour la régulation de laquelle le gouvernement précédent est resté bien timide. Et un choix qui repose sur une théorie économique conventionnelle qui a elle-même failli et qui tente, en vain, de nous faire croire que les paris d'argent sur les marchés apporteront la prospérité à une société post-industrielle imaginaire.