Marseille. Regards en noir et blanc et en couleurs...

sur la génération « Flower power ».

Cinquante ans après la révolution pacifiste née en Californie et inspirée par les philosophies indiennes, le photographe Bernard Plossu nous fait partager l’air de ce temps-là.



- Bernard Plossu, Haight Asbury, San Francisco, 1966 -


L’exposition « Les années Hip », du 3 octobre au 6 mars, se déroulera au Musée Regards de Provence Elle met à l’honneur le début de la riche carrière de Bernard Plossu. C’est pourtant bien loin des rivages méditerranéens que nous entraîne celui qui n’était alors qu’un tout jeune artiste d’à peine plus de 20 ans, fasciné par la culture hippie et le rêve d’un monde meilleur. Bernard avait alors mis le cap sur deux destinations qui continuent d’être irrésistiblement associées à ce mouvement : la côte ouest des États-Unis d’une part, l’Inde d’autre part. 

Dès 1966, le voici en Californie pour capter l’atmosphère si particulière qui anime alors ce haut-lieu de la contre-culture. Il tourne son objectif vers deux sites en particulier. L’un se trouve dans le quartier de Haight-Ashbury à San Francisco qui fut durant quelques années le centre névralgique du mouvement hippie. L’autre, un peu plus au sud, est un site naturel d’exception, Big Sur. Pour lui, « c’est le plus beau lieu possible et imaginable, sauvage, brume et paysages à couper le souffle, une sorte d’Écosse où habitent les gens qui disent non, non à la guerre au Vietnam, non à la société de consommation, les premiers écologistes, en fait ! ». Il fréquente la City Lights Bookstore, mythique librairie adossée à la maison d’édition qui publia les poètes phares de la Beat Generation, croise Allen Ginsberg, Joan Baez et ses sœurs, rencontre Henry Miller et immortalise sans arrière-pensée ses amis artisans, écrivains et artistes.

Quatre ans plus tard, il se rend en Inde - à Ceylan puis à Goa -, souhaitant accomplir ce que tant de hippies considéraient comme un incontournable voyage initiatique, à la découverte d’une forme de sagesse millénaire et d’un rapport différent à la nature et au sacré. Le photographe ne fait qu’un avec son sujet : sincèrement hippie, il vit intensément son époque. Indirectement, ses photographies nous racontent sa propre quête d’amour et son aspiration à la paix, puis ses premières désillusions quand il réalise que l’anticonformisme est devenu une mode et que le rêve hippie est en passe d’être recyclé en business lucratif.

Même si Plossu a photographié l'Inde et son retour en Californie avec un grand angle de 24 mm en couleur dans les années 70 et 71, il privilégie plutôt une focale de 50 mm qui ne déforme ni la réalité, ni la photographie, montée sur un boîtier 24x36, créant ainsi une optique non simplement proche de la vision de l’œil humain, mais qui impose une distance minimum d’à peu près deux mètres avec le sujet si on veut le prendre en buste et de quatre mètres pour le saisir en pied. A l’heure où de nombreux photographes optent volontiers pour la couleur et le grand format, Plossu a fait de longue date le choix exactement inverse, justement comme une volonté de se tenir à distance de toute approche commerciale. L’artiste évite ainsi l’envahissement de l’espace privé par le grand-angle et un dépassement possible de l’intimité du modèle par le téléobjectif.



- Bernard Plossu, Joan Baez, Big Sur, 1966 -


Il reste un témoin distant de moments privés et de scènes publiques. Ces presque miniatures en noir et blanc interrogent les codes par leur vision poétique, simple, délicate et intemporelle. Chez lui il ne s’agit ni de reportage, ni de journalisme. L’on y trouve, de manière assez singulière, cette troisième voie où l’image n’est pas un discours sur le monde, mais une question sur le sens que l’on lui donne. Si la moisson photographique américaine puis indienne de ses jeunes années n’a pas encore éliminé la couleur, on retrouve ce goût pour les moments de vie sans artifice ni intrusion, alternant les portraits posés et les scènes prises sur le vif, avec cette capacité à capturer l’instant parfait qui caractérise le travail des grands photographes. 

Cette exposition est le reflet d’une époque qui marqua à jamais ceux de sa génération. Il témoigne  en images que, pendant quelques années, les hippies crurent sincèrement qu’un monde meilleur et une vie plus proche de la nature étaient possibles. C’était une génération très pré-écologiste et malgré une apparente naïveté (Peace and Love), le besoin de rendre la vie plus proche de la nature a été pionnier de notre époque actuelle. Un bon demi-siècle il reste convaincu que ce qu'a fait toute une génération, a contribué grandement à un changement radical dans les esprits et dans le mœurs. « Aucun d'entre nous n'aurait même pas imaginé avoir un jour un téléphone portable ! pour quoi faire ? » conclut-il.

Musée Regards de Provence
13002 Marseille
tel. 04 96 17 40 40