Pour les eaux en bouteille, la goutte pourrait faire déborder le vase…

Des associations environnementales ont alerté les autorités dès 2016 sur le non respect des réglementations en cours. Jugée coupable, Nestlé Waters Supply Est est condamné à une amende jugée insuffisante par les associations au vue des enjeux.


Tout a commencé en 2016 lors d’une réunion du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques lorsque Jean-François Fleck de Vosges Nature Environnement, a découvert que plusieurs forages de l’entreprise Nestlé Waters n’étaient pas autorisés. Cinq associations ont alors décidé de déposer plainte en 2020. Après un classement sans suite un recours a été fait au procureur général de Nancy, qui a décidé d’infirmer ce classement.

Ce dernier a choisi de transiger avec Nestlé par une procédure de Convention Judiciaire d’Intérêt Public et de lui imposer certaines obligations. Si ces dernières sont exécutées, le procès pénal est évité. Malheureusement, cette procédure considère souvent insuffisamment les préjudices et les victimes. Les associations, dans le petit temps imparti laissé courant juin, avaient exprimé haut et fort leurs demandes : certes une indemnisation était demandée, mais c’était bien la réparation de l’impact écologique qui devait être effective.

Les associations ont longtemps cherché à faire réaliser une étude sur l’impact des prélèvements. Cependant, la volonté de Nestlé et des autorités publiques était d’empêcher sa réalisation car tant que celle-ci n’avait pas lieu, il ne pouvait pas être affirmé qu’il y avait un impact et les prélèvements pouvaient continuer librement…

Aujourd’hui, Nestlé est condamnée au paiement d’une amende d’intérêt public peu dissuasive d’une valeur de 2 millions d’euros, soit seulement 1% de son chiffre d'affaires annuel. Pourtant le code de l’environnement prévoit pour cette procédure que « le montant de cette amende est fixé de manière proportionnée, le cas échéant au regard des avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. »

Côté réparation du préjudice écologique, une expertise est prévue pour connaître l’impact hydrogéologique des prélèvements illégaux, et ce pour un budget limité de 100 000 euros. Les associations restent sceptiques quant à cette mesure. Réclamée depuis 2016, les autorités font miroiter depuis 4 ans une étude en cours de réalisation par l’observatoire de l’eau dans le cadre du Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau. L’expertise prévue par la convention est également confiée à cet observatoire, et ce alors même que les associations n’ont aucune connaissance du cahier des charges prévu.

On peut largement douter de l’impact réel d’autres mesures accessoires peu précises pour réparer les atteintes causées par Nestlé aux nappes phréatiques : la restauration de plusieurs ruisseaux, l’entretien et la restauration de berges et zones humides… : tout cela, sans précisions sur le nombre ou encore la densité que cela représente. Les associations sont indemnisées pour leurs préjudices subis, mais, cela ne représente qu’une petite goutte d’eau supplémentaire à payer pour Nestlé.

Si cette CJIP est d’une importance cruciale pour Nestlé Waters, lui évitant un nouveau procès médiatique, les associations ne s’avouent pas vaincues. Elles seront vigilantes quant à l’effectivité des mesures de cette CJIP. Nestlé Waters dispose d’un délai de 2 ans à compter de la notification de cette convention pour mettre en place l’ensemble de ces mesures, sans quoi l’action publique ne pourra s’éteindre. Enfin, la lutte ne s’arrête pas là pour les associations qui rappellent qu’il ne s’agit pas de défendre l’environnement de façon abstraite, mais bien de protéger l’intérêt des usagers face à une privatisation protégée de la ressource en eau.


  • L'eau en bouteille doit répondre à un certain nombre d'exigences réglementaires spécifiques selon qu'elle soit minérale ou de source. Notamment concernant les seuils de qualité fixés et les traitements possibles. « Recourir à des systèmes de traitement de l'eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV, remplir les bouteilles avec de l'eau du robinet, dissimuler ces procédés aux yeux des contrôleurs, commercialiser des produits non conformes, c'est tout simplement interdit, s'est indigné Foodwatch. Un tiers des eaux vendues en France a ainsi subi des traitements non conformes, dont la marque Cristaline, la plus vendue, mais aussi Perrier, Vittel, Hépar et Contrex notamment »