Marseille. Mucem, « En piste ! » ou le cirque en majesté…

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Une exposition de Macha Makeïeff qui se tient jusqu'au 12 mai 2005. Commissariat général Vincent Giovannoni, conservateur en chef et responsable du pôle Arts du spectacle. Avec la collaboration de l'Atelier Jodar. Lumières Jean Bellorini. Création sonore Sébastien Trouvé. Avec la participation du Théâtre National Populaire et de la Compagnie Mademoiselle.


- Portrait du magicien Yanco par René Techer, 1970-1980
© Mucem René Techer -


Le cirque : deux syllabes qui ouvrent sur un monde merveilleux et bariolé, véritable antidote à la monotonie quotidienne. Mais derrière ces numéros qui nous ont ébloui par leur beauté et leur hardiesse, il y a une grammaire et un alphabet matériel que le public pressent sans vraiment les connaître (tant les artistes circassiens sont jaloux de leurs secrets). C’est ainsi que le cirque, premier des arts vivants, a été l’inspirateur, tout au long du XXe siècle, d’autre genres artistiques comme la peinture, la mode, la poésie et bien sûr le cinéma.

Cet autre versant et ses influences sont au cœur d’En piste !, la nouvelle exposition thématique du Mucem. Placée sous la tutelle de Vincent Giovannoni et Macha Makeïeff (qui a également conçu la scénographie), elle nous invite à redécouvrir, non seulement les grandes figures modernes du cirque (Les Fratellini, le magicien Yanco, le contorsionniste Chester Kingston), mais surtout les nombreux peintres qui l’ont pris pour sujet.

Si le vénitien Tiepolo fait figure de grand aîné avec son Il mondo novo peint en 1765, c’est sans surprise qu’on retrouve Picasso avec un Arlequin en date de 1923, de même que Fernand Léger (La grande parade sur fond rouge, 1953) et Georges Rouault (Clown à l’habit rouge, 1939). Niki de Saint Phalle nous étonne toujours avec une Nana Noire faisant l’arbre droit. Mais on s’arrête aussi devant une composition plus académique de Lucien Simon (Bigoudènes devant les tréteaux, 1935), tout comme devant La duègne et le pénitent de Gérard Garouste (1998), huile sur toile qui rappelle les scènes de cour de Vélasquez. Dommage que Bernard Buffet soit absent de cette fête visuelle, lui qui consacra pourtant au cirque de nombreux tableaux.

Néanmoins c'est le cinéma - ou plutôt les dispositifs de projection - qui est encore ici le meilleur vecteur d'émotions. Ou de nos souvenir de cinéphiles, en revoyant des extraits du magnifique film de Wim Wenders, Les ailes du désir (1987), avec Solveig Dommartin en trapéziste troublant les anges. A l'inverse, Freaks, la monstrueuse parade (1932), de Tod Browning, avec ses monstres humains, nous apparaît aujourd'hui comme un plaidoyer pour la différence. Car le cirque a aussi ses zones d'ombre.

Dans ce plateau de 1200 mètres carré, la femme de théâtre qu'est Macha Makeiëff entraîne le visiteur dans les dédales d'un décor exceptionnel, où les objets, sortis pour la circonstance des réserves du Mucem, prennent une dimension de symboles. C'est particulièrement le cas pour les deux roulottes, l'une d'origine tzigane, l'autre ayant appartenu à Bartabas, qui terminent ce parcours sans en épuiser le sujet. Car la magie du cirque ne peut être enfermée dans un musée, même si le Mucem en offre ici quelques somptueux reflets.

Jacques Lucchesi



- François Tuefferd, Pinito del Oro, Madison Square Garden NY 1954
© Mucem François Tuefferd - 


MUCEM
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