Lille. Mais où sont les femmes… artistes ?
C’est le sujet de l’exposition présentée jusqu’au 11 mars 2024. Elle est réalisée par le Palais des Beaux-Arts de Lille grâce au mécénat de la Fondation Crédit Mutuel Nord Europe.
Conçue comme une enquête, l’exposition « Où sont les femmes ? » se consacre aux œuvres d’artistes femmes dans les collections du Palais des Beaux-Arts de Lille, dont la plupart ont rarement été exposées auparavant au musée. Sur près de 60 000 œuvres conservées, seulement... 135 sont attribuées à des artistes femmes. Hormis quelques grands noms (Geneviève Asse, Camille Claudel, Sonia Delaunay, Marie Laurencin...), le travail de ces 80 artistes présentes dans les collections lilloises est souvent méconnu, voire inconnu. Composée d’une centaine d’œuvres pour la plupart sorties de réserves et dont plusieurs ont été restaurées pour l’occasion, l’exposition retrace les trajectoires variées de ces créatrices, dont le travail couvre une période allant du 17e siècle à nos jours.
Le choix de mettre en lumière la diversité des productions de ces artistes femmes (peintures, sculptures, arts graphiques, arts décoratifs, numismatique) s’inscrit dans une démarche plus globale de se saisir de la question de leur invisibilisation dans l’histoire de l’art. Ainsi, à l’issue de l’exposition, certaines de ces œuvres viendront enrichir le parcours permanent. L’exposition s’articule en trois chapitres :
- Les femmes dans l’atelier : comment devient-on une artiste ?
- Hiérarchie des genres : les créatrices face aux médiums et aux genres artistiques.
- Se faire un nom : réseaux et stratégies de diffusion.
A ceux-là, s’ajoute un parcours dans les collections permanentes sous la forme d’une médiation spécifique évoquant le regard porté par les artistes masculins sur les modèles féminins.
« Théorisée en France au 17e siècle, la hiérarchie des genres classe les sujets artistiques du plus noble - les scènes d’histoire - au moins prestigieux, la nature morte. Elle reproduit dans la sphère artistique la hiérarchie de genre qui sous-tend les rapports sociaux entre les hommes et les femmes. La production de celles-ci se trouve ainsi cantonnée aux genres les moins nobles, certaines peintres de natures mortes menant dès cette période des carrières remarquables, comme Rachel Ruysch.
Le nombre croissant d’artistes professionnelles incite les théoriciens du 19e siècle à recourir à des critères bio-déterministes pour limiter leurs productions aux genres considérés comme mineurs. Selon eux, les qualités perçues comme naturellement féminines (telles que la grâce, la délicatesse ou la minutie) les conditionnent à créer des objets de petite taille à valeur décorative ou sentimentale : fleurs, éventails, miniatures, estampes, médailles… Pour autant, ces limitations ne sont pas une fatalité. Certaines femmes excellent dans le domaine auquel elles sont reléguées - en témoigne la qualité des fleurs d’Elisabetta Marchioni ou des gravures de Rose Maireau. D’autres s’orientent vers des médiums traditionnellement perçus comme masculins, telle Marguerite Cousinet qui revendique son statut de sculptrice en se représentant en blouse de travail.
L’émergence des avant-gardes du 20e siècle permet aux artistes femmes d’investir de nouveaux champs tout en détournant les codes établis. Ainsi Geneviève Asse fait évoluer ses natures mortes vers les monochromes bleus qui ont fait sa renommée, puisant dans la traditionnelle hiérarchie de(s) genre(s) pour mieux la transcender. »
- Voilà une exposition dont le thème va en résonance avec le projet mouginois de Christian Levett. Ce dernier avait fondé, à partir de ses collections personnelles, le Musée d’Art Classique de Mougins. Il vient de lui donner une nouvelle orientation en le consacrant désormais aux seules artistes femmes. Le futur FAMM ouvrira ses portes en août prochain.
- Virginia Demont-Breton, Les tourmentés, 1905
© Rmn-GP, photo Stéphane Maréchalle -