Shirley Jaffe, une Américaine chez Matisse…
Deux expositions personnelles auront été consacrées à Shirley Jaffe (1923-2016) au musée Matisse de Nice. Celle-ci est cette fois organisée en partenariat avec le Centre Pompidou, Paris, et le Kunstmuseum Basel, à Bâle. L’exposition a été présentée du 20 avril au 29 août 2022 au Centre Pompidou sous le titre « Shirley Jaffe. Une Américaine à Paris » et du 25 mars au 30 juillet 2023 au Kunstmuseum Basel, sous le titre « Shirley Jaffe. Forme et expérience ».
- Shirley Jaffe, Paris, 2008 © Adagp -
Née en 1923 dans le New Jersey, Shirley Jaffe étudie à Cooper Union, à New York, qu’elle quitte pour Paris, où elle se fixe en 1949. À partir des années 1970, se développe son écriture personnelle aux contours ciselés. « Sa géométrie est bien ordonnée, mais savamment contrariée, toujours dévoyée, aléatoire en apparence, mais scrupuleusement dictée par une exigence implacable. »
Si Shirley Jaffe est matissienne, c’est bien lorsqu’elle affirme : « Ce que je voudrais, c’est que mes tableaux donnent de l’énergie et de l’imagination aux gens, qu’ils leur permettent de regarder sans préjuger. Qu’ils sachent qu’il y a quantité de routes différentes, de possibilités ouvertes. » Et puis, Shirley Jaffe fut pendant longtemps, entre 1966 et 1999, une artiste de la galerie Jean Fournier, qui réunissait nombre d’artistes tels que Simon Hantaï, Daniel Buren, Claude Viallat, Pierre Buraglio et bien d’autres, pour lesquels l’œuvre d’Henri Matisse était un référent important, surtout après la publication par Dominique Fourcade en 1972 des Écrits et propos sur l’art, qui circulaient beaucoup à la galerie.
Ces transformations à l’œil sont invisibles, ou presque, car Shirley efface et gratte, parfois recommence entièrement. « La contradiction fondamentale, explique-t-elle, est que je commence avec un système pour arriver à une sorte de système caché. » La procédure matissienne comporte cette même tension dans l’œuvre, dont la marche procède d’états successifs et de modifications parfois radicales : « La réaction d’une étape, précise-t-il, est aussi importante que le sujet. [...] À chaque étape, j’ai un équilibre, une conclusion. À la séance suivante, si je trouve qu’il y a une faiblesse dans mon ensemble, je me réintroduis dans mon tableau par cette faiblesse - je rentre par la brèche - et je reconçois le tout. Si bien que tout reprend du mouvement... » Merveilleux aveu de faiblesse qui nous laisse entrevoir ce qu’une artiste telle que Shirley Jaffe avait si bien perçu chez lui. CQFD !
- L’exposition est accompagnée d’un catalogue. Il réunit des textes de Svetlana Alpers, Claudine Grammont et Frédéric Paul ainsi qu’une interview inédite par Robert Kushner. Il est richement illustré par de nombreuses reproductions d’œuvres de Shirley Jaffe ainsi que des photographies d’archives inédites, 264 pages - 39 €.
- Shirley Jaffe, 1972, collection particulière -