Sosno. Ses Vénus monumentales niçoises

entrent dans l'histoire de l'art et de l'architecture...

A Nice, l’Hôtel Elysée-Palace, alias AC Hôtel, sculpture-bâtiment de 26 mètres de haut, 21 tonnes de bronze, 420 tonnes de granit et 18 mois d’attention, illustre son concept de l’Oblitération dans le domaine architectural. Du 1er juin au 1er novembre une exposition lui est dédiée. Un parcours parsemé d’images de la « Venus Italica » retracera, notamment, la genèse des sculptures monumentales de la façade (photos de Dan Deschateaux, conception de cette installation par Ralph Hutchings).


En 1987, l’architecte Georges Marguerita et Sacha Sosno, peintre, photographe, sculpteur et théoricien de son propre cheminement artistique, imaginent cette façade particulière : deux Vénus géantes de bronze sont oblitérées et encastrées dans le granit. Au total, se sont 22 Vénus déclinées dans différents matériaux : aluminium, bronze, marbre, résine… qui seront présentées dans le cadre de cette exposition présentée à l’Elysée-Palace (AC Hôtel), à l’intérieur et dans le jardin. Elle démontre, une fois de plus, l'importance, l'intemporalité et l'universalité de l'œuvre de Sacha Sosno.

Alexandre Joseph Sosnowsky, dit Sacha Sosno, est né en 1937 à Marseille d’un père originaire d’Estonie et d’une mère niçoise. Durant son adolescence, la famille de Sosno s’installe à Nice, plus précisément au Regina-Palace, auparavant hôtel-résidence de la reine Victoria, à quelques pas du site archéologique de Cimiez. Le Jardin des Arènes de Cimiez devient son terrain de jeux. L’antique cité de Cemenelum avec ses magnifiques vestiges d’arènes et de thermes sont certainement à l'origine de sa future démarche artistique et de ses créations à venir.

Comment ne pas voir un lien entre ces vestiges qui laissent place à l'imagination et les œuvres oblitérées de l’artiste dont le principe est de « cacher ou de ne révéler qu'une partie de la réalité pour mieux la dévoiler » ? Après des études à Paris, il effectue son service militaire à Toulouse en 1962. La caserne Niel était située sur un lieu archéologique important. Il découvre alors une tombe gallo romaine du IIème siècle avant J.C., et termine son service militaire en tant qu’assistant-archéologue.

En 1967, à la suite de sa formation en filmographie à La Sorbonne, il devient reporter de guerre au Bangladesh, en Irlande et au Biafra, où il côtoie la mort au quotidien. Jusqu’où l’horreur de la réalité peut-elle être montrée ? Comment faire réagir les citoyens du monde sur la vérité ? Par son geste artistique, l’Oblitération (soit par le vide, découpe intérieure selon une forme géométrique, soit par le plein, application de blocs, plaques ou aplat de peinture), l'artiste répond à ces questions. L’artiste oblitère ainsi notre vision, attire l’attention et nous pousse à voir autrement, à stimuler notre imaginaire, à devenir cocréateurs de ses œuvres. 

L'artiste transpose ensuite son concept dans la sculpture et l'architecture à travers le prisme des grandes figures de l'Antiquité et de notre mémoire collective : Apollon, Artémis, Auguste, Alexandre, Aphrodite, Poséidon, Agrippa..., et cette « Vénus Italica » d’Antonio Canova ((1757 - 1822) dont il s'inspire pour l’Elysée-Palace. Cette figure de Vénus sera érigée dans sa verticalité et dans sa conception en tant qu'élément d'architecture de l'Elysée-Palace. Il aura également recours à l’utilisation du marbre et du bronze, tels les artistes et artisans antiques quitte à les associer régulièrement aux matériaux contemporains, comme l'aluminium et l'acier.


L'inauguration de l'hôtel et des sculptures monumentales eut lieu en juillet 1988 à l'issue d'un chantier titanesque. Cette réalisation, véritable prouesse artistique et technique, fut et reste unanimement et internationalement saluée par les critiques d'art et dans le milieu très fermé de l'architecture. Ce fut un défi d’une ampleur exceptionnelle. Les deux sculptures en bronze qui s’insèrent dans les deux façades de granit de 26 mètres de haut mesurent plus de 19 mètres de haut et pèsent 21 tonnes...

« La sculpture monumentale ne doit pas être ornement mais partie intégrante des structures architecturales, du paysage urbain » disait Sacha Sosno. Il est dommage que nos promoteurs immobiliers azuréens n’aient pas donné mission à nos architectes d’illustrer leurs réalisations de ces 40 dernières années. Certaines, par leur laideur, défigureront pour longtemps notre littoral. Elle ne laisseront aux générations futures que le souvenir d’un terrible manque d’ambition artistique…