Haïti : paradis perdu…

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Cette république qui peut revendiquer avec fierté avoir été la première République noire au monde, n’en finit pas d’agoniser. On pensait qu’elle avait touché le fond avec la période des Duvalier, symbole d’autocratie et de tyrannie, et qu’enfin, elle allait connaître la paix et la prospérité dans une démocratie retrouvée. Ce ne fut pas le cas.


- Port aux Princes, aide humanitaire, 1977 -

Ni les Jean-Bertrand Aristide, ni les René Préval n’ont su ou pu résoudre les problèmes endémiques de cet État. Pire, depuis le tremblement de terre de 2010, la situation s’est aggravée au point de devenir quasiment ingérable. L'assassinat de Jovenel Moïse le 7 juillet 2021, à Pétion-Ville, fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase ; et l'état de siège déclaré par le Premier ministre par intérim, Claude Joseph, ne rassure ni la population ni les instances internationales alors que l’île est livrée aux gangs. On en viendrait presque à regretter les « tontons macoutes » de Papa Doc et de son fils Jean-Claude. Force est de constater que, comme dans bien des pays du monde, seul des régimes forts et autoritaires, apportent de la stabilité, avec tous les excès qui les accompagnent et que l’on connaît.

Si la disparition à Paris, du chanteur haïtien Michael Benjamin, a mis un court instant ce pays sur le devant de la scène, il faut bien avouer : Haïti n’est plus d’actualité. Sans doute découragé par l’échec de toutes les initiatives pour sortir le pays de ses ornières, la communauté internationale semble avoir bien d’autres soucis (crise énergétique, Ukraine, Covid, changement climatique…). Je pense à une mission humanitaire à laquelle avait participé notre ami Michel Rolland après le séisme de 2010. Il ne put qu’observer l’état de décomposition de la société, le climat d’insécurité et en revint désabusé. Un autre observateur indirect, nous communique régulièrement des nouvelles du pays où il est né et où il ne peut plus retourner. Des membres de sa famille y résident toujours. Comme beaucoup d’habitants, ils n’osent pas sortir, voyager ; le quotidien est à risque et chaque déplacement, ne serait-ce que pour aller acheter l’essentiel, peut se terminer par une prise d’otage. La vie à un prix, celui de la rançon demandée !


- Port aux Princes, marché central, 1977 -

Haïti a, certes, connu de petits âges d’or mais a laissé passé de nombreuses opportunités. J’y ai passé plusieurs semaines en 1977. Même si le nord-ouest de l’île était fermé aux rares visiteurs car une famine y régnait, le pays était calme et je pu m’y déplacer en toute liberté, sac au dos, sans jamais m’y sentir en danger (Port aux Princes, Jacmel, Cap Haïtien, la Citadelle Laferrière...). La misère y était discrète et le sourire sur beaucoup de visages. Rencontrant un responsable du tourisme, j’appris que le Club Méditerranée projetait d’installer un de ses villages. Il fit effectivement une tentative mais dû se rendre à l’évidence, l’instabilité politique et l’insécurité n’étaient pas favorables, alors qu’au contraire, du côté de la République dominicaine et ailleurs dans les Caraïbes, la situation était avantageuse. Bien que l’île ait de nombreux atouts propres à développer une véritable industrie du Tourisme, ce dossier se referma derechef et il n’est pas prêt de se rouvrir alors qu’il est une carte maîtresse pour un développement économique stabilisé et durable.

Dans de telles conditions, on comprend le désir de nombre de ses habitants de partir vivre et travailler à l’étranger. Avec comme conséquence tragique la fuite des forces vives et des compétences professionnelles. Comme pour d’autres républiques noires africaines, les immigrés, estimés à deux millions de Haïtiens à travers le monde, injectent une partie de leur revenus à leur famille restée au pays, participants de fait à un cercle vicieux qui interdit tout espoir à court terme. 


- inauguration de l’école de Montagne la Voûte, près de Jacmel,
financée par la Communauté de communes du Pays de Gex dans l’Ain, novembre 2012 -