Point de vue...

Catégorie C'est notre santé

La pénurie d' ophtalmologistes est en train de dessiner un « désastre » en matière de dépistage et d' accès aux soins visuels. C'est l'Inspection générale des affaires sociales qui a posé ce constat dans un rapport paru en janvier 2020. L’organisation administrative avait alors préconisé 28 mesures et une échéance pour redresser « significativement » la situation. Car, même avec le recours au travail aidé des orthoptistes, « à organisation constante » du parcours de soins, le délai pour consulter et obtenir une prescription ne va qu' empirer.



- photo © Olivier Colas -

En effet, d'ici 2025, la France, avec une démographie médicale en berne, passera de 49 à 73 départements en pénurie d' ophtalmologistes (moins de 7 pour 100 000 habitants). De 25 millions en 2021, les Français seront alors 38 millions à connaître de graves difficultés d' accès aux ophtalmologistes. Leur syndicat défend l'idée qu' un simple toilettage du système actuel suffit et assure que la situation est sous contrôle, mais les chiffres, eux, disent le contraire, d’autant  que 44% des ophtalmologues ont plus de 60 ans et 20% plus de 65 ans. Conséquence, de 2022 à 2030 leur effectif va fondre de 250 par an, malgré les nouveaux diplômés et l'intégration d' ophtalmologistes étrangers. 

Il devient donc urgent de soulager ces spécialistes d' une partie de leurs prérogatives pour leur permettre de se concentrer sur le soin, leur cœur de métier, comme c' est le cas chez presque tous nos voisins européens. Chez nous, les 5185 orthoptistes ne suffisent plus à combler le déficit en Ophtalmologistes qui touche déjà de très nombreux départements. D'ici à 5 ans, ils pourront encore moins compenser seuls une pénurie qui se sera aggravée dans les territoires ruraux et déserts urbains. 

Recourir aux opticiens, sous le contrôle d' un médecin, présente plusieurs avantages. Ils sont les professionnels de la vision les plus nombreux et les mieux répartis sur le territoire. Ils sont déjà formés, installés et disposent du matériel nécessaire à la réalisation d' examens oculaires et d' espace pour organiser des téléconsultations avec un ophtalmologiste, dès qu’elles seront autorisées. L'impact serait alors immédiat. 

Les opticiens ont montré depuis 2007 leur capacité à contribuer au renouvellement des équipements optiques sur la base d' ordonnances en cours de validité, prenant en charge 2 millions de renouvellements par an, pour un coût cinq fois inférieur à celui d' un passage chez l' ophtalmologiste. Faire confiance aux opticiens générerait de substantielles économies tout en réduisant à néant des délais de consultation médicale qui peuvent atteindre 12 mois dans certains départements, et qui s' allongent. 

L'Inspection générale des affaires sociales a préconisé notamment d' allonger de deux ans la validité des prescriptions de lunettes et lentilles pour la porter à 7 ans pour les patients âgés de 16 à 42 ans, d' autoriser les opticiens à adapter les primo-prescriptions en cas d' erreur ou d'inconfort du patient, d' élargir la télé-expertise aux opticiens, en collaboration avec les ophtalmologues, de prolonger de 2 à 3 ans, comme le souhaite le ROF, la durée de formation des opticiens (2 ans actuellement) pour s' aligner sur nos voisins européens et gagner en expertise. 

La structuration d' une filière, avec délégation de tâches, autour des 3 « O », ophtalmologues, orthoptistes et opticiens, s'impose pour répondre à l' urgence. Sans décision rapide, sans la contribution des opticiens à toute réorganisation du parcours de soins, la santé visuelle de 38 millions de patients sera menacée. CQFD !


- Visuel © Shmidt Sergey -