La programmation de France Télévisions sur la sellette...
Un collectif de réalisateurs, de distributeurs, de directeurs de festivals et d’autres professionnels du cinéma se félicitent de voir davantage de films de patrimoine diffusés par la télévision publique. En même temps ils souhaitent davantage de diversité. A leur tête, Renaud Laville, Délégué général « Cinéma Art et Essai ». Extrait de son billet :
- le cinéma français ne doit pas se résumer à une compilation des films
de Gérard Oury et de Jean Girault...
Voici déjà plus d’un mois que nous sommes des millions confinés chez nous. Malgré la fermeture des salles et de tous les lieux culturels, le cinéma est omniprésent grâce à ces autres médias que sont Internet, la VoD, la SVoD, la vidéo, et bien sûr à la télévision linéaire, où il bat actuellement des records d’audience.
Car, pour combler le manque de contenus, les chaînes nationales gratuites, notamment France 2 et France 5, redécouvrent la joie de programmer le cinéma de patrimoine, tous les jours, en particulier avec la case patrimoine de 14 heures apparue le 21 mars sur France 2, puis quelques semaines après sur France 5. Pour aussi, nous dit le directeur de la stratégie des publics à France Télévisions : « programmer des films cultes qui permettent de se changer les idées, de s’évader après le JT ».
Néanmoins : quels sont ces films soudainement programmés ? Des films populaires de qualité (pour l’essentiel), pour la plupart des années 1970-80, qui font partie de l’histoire du cinéma français, avec lesquels des générations de spectateurs ont grandi. Il s’agit essentiellement de films multi-diffusés, reprogrammés des dizaines de fois sur ces chaînes ou d’autres. Mais cette proposition cinéma ne se place, à quelques exceptions près, que sur ce terrain-là, et ne propose rien d’autre issu de notre extraordinaire patrimoine cinématographique, ni de la diversité des cinémas du monde entier.
Confinement ou pas, les autres médias font preuve tout au long de l’année de diversité, rassemblant les cinéphiles les plus pointus et un plus grand public. Pourquoi alors France Télévisions, notre service public, ne montre-t-elle pas le même exemple ? Ses statuts précisent notamment qu’elle doit « s'attacher à diversifier sa programmation cinématographique et à développer la partie éditoriale des cases cinéma pour les mettre en valeur, programmer régulièrement des œuvres d'art et d'essai, afin de refléter cet aspect de la création cinématographique. »
Outre Gérard Oury, Louis de Funès, Yves Robert... pourquoi ne sont pas programmés également des films populaires de Truffaut, Clouzot, Chabrol, Pialat, Varda, Demy, ou même Renoir, Guitry, Duvivier, Pagnol ou Carné ? Ou encore, de grands cinéastes européens et étrangers comme Bergman, Lubitsch, Capra, Fellini, Rossellini, Welles, Hitchcock, Ford, Powell, Kurosawa, Ozu, Wajda, Lean, Leone, ceux du Nouvel Hollywood ou ceux d’aujourd’hui, Loach, Almodovar, Campion, Bigelow ?
Ce qui nous anime, nous, passionnés de cinéma, cinéastes, producteurs, distributeurs, exploitants, éditeurs, festivals, cinémathèques, critiques, c’est la diversité de tous les cinémas, des films les plus populaires du monde entier aux films dits « d’auteur ». De transmettre, de donner le goût et l’envie du cinéma. De tous les cinémas. C’est cette alchimie entre les registres qui fait de la France LE pays du 7ème art.
Notre approche n’est pas d’opposer un lieu à un autre, chacun ayant ses spécificités et ses enjeux différents, ni d’être l’un contre l’autre, mais de travailler les uns avec les autres, de montrer les films des uns avec les films des autres, dans un enrichissement intellectuel, culturel et économique.
En espérant que France Télévisions, qui fera sans doute le bon choix en préservant France 4 grâce à son succès mérité des dernières semaines, soit à l’écoute de ces propositions pour que le cinéma retrouve pleinement sa place sur notre service public.
Renaud Laville