La loi ELAN et le contentieux de l'urbanisme…

Catégorie Les paradoxales

Présentée par  le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, et le secrétaire d’État Julien Denormandie, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, a été adoptée après de  longs débats et de nombreux amendements. Me Clara Léger-Roustan s’est attachée à la décoder, notamment l’article 80 :



- Nice, quartier Arena, photo AD -


« L'article 80 de la loi ELAN permet d'éviter que l’annulation d’un document d’urbanisme n'entraîne l’annulation des autorisations d’occupation du sol délivrées dans le cas où le document d’urbanisme juste antérieur à celui annulé n’autoriserait pas le projet. En effet, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale seront par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols régies par le code de l'urbanisme délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposeront sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet.

Les mêmes dispositions existent pour le permis d’aménager. Ces dispositions ne seront pas applicables aux décisions de refus ou d'opposition à déclaration préalable contestées par le pétitionnaire.

Le Code de l'Urbanisme permet de limiter le délai dans lequel une requête en référé suspension peut être déposée : Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.

Le Juge administratif est dans l’obligation de motiver son refus de prononcer l’annulation partielle ou le sursis à exécution, à savoir :

- Art. L. 600‑5 du Code de l’urbanisme - Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600‑5‑1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé.

- Art. L. 600‑5‑1 - Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600‑5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »

- Art. L. 600‑5‑2 - Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance.

Pour permettre plus aisément une réparation du préjudice causé par un recours abusif devant la juridiction administrative, il n’y a plus besoin de justifier d’un préjudice excessif pour obtenir réparation.

Les dispositions de l’article L 600-7 du Code de l’urbanisme sont modifiées comme suit :

Dans la phrase : Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions … - les termes : qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant - sont remplacés par : qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et le terme ‘excessif’ est supprimé après le mot ‘préjudice’ au bénéficiaire du permis.

Ce-dernier peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. »



[NDLR : il est clair que ces mesures seront dissuasives pour qui voudrait attaquer un permis de construire ou autre document d’urbanisme sans un dossier irréfutable… les associations de protection du cadre de vie et de l’environnement, devraient se sentir bien seuls face à loi qu’ils auront tendance à juger partiale.]



Me Clara Léger-Roustan
avocate au barreau de Grasse
membre de la SAS CLARELIS