Marseille. Lucien Jacques, le sourcier de Jean Giono...
Le Musée Regards de Provence coproduit avec le Mucem l’exposition monographique consacrée à Lucien Jacques, concomitante de l’exposition « Giono » au Mucem, dévoilant les multiples facettes d’un artiste pluridisciplinaire, souvent évoqué en tant que découvreur de Jean Giono.
On a souvent lu et vu Lucien Jacques (1891-1961) à travers l’amitié singulière de Jean Giono. Cette exposition ne peut échapper totalement à ce regard, elle entend pourtant montrer une autonomie de l’œuvre de Lucien Jacques. Il ne s’agit pas d’une rétrospective, mais de proposer des thèmes permettant de rendre justice à la force et au talent de Lucien Jacques et à son œuvre foisonnante. Graveur, peintre, poète, tisseur à ses heures perdues et prolifique éditeur, sont autant d’étiquettes employées pour décrire l’activité de Lucien Jacques. Si ce fervent pacifiste est souvent associé à travers les textes de Giono dont il a publié à partir des années 1920, cette exposition permet de rendre compte de la densité de production de cet amoureux des lettres.
De son activité d’aquarelliste encensée par Jacques Prévert, à sa position de directeur de revues, en passant par ses écrits poétiques et gravures sur bois, Lucien Jacques est en effet l’auteur d’une œuvre protéiforme, enrichie de l’emploi continu de diverses techniques. Lettres inédites de sa correspondance avec Jean Giono, dessins, photographies et documents d’archives constituent la trame de cette exposition, à l’image de cette personnalité volatile et persévérante tout à la fois.
La question des mythologies est une constante dans l’œuvre de Lucien Jacques, ce qui au demeurant n’a pu manquer de le rapprocher de Giono. Un certain goût pour l’antique se manifeste dans l’immédiat après-guerre au travers de sa fascination pour Isadora Duncan, danseuse, apôtre de la vie « naturelle » des anciens Grecs. En 1919, Lucien Jacques, sorti des années de guerre (période que l’on retrouvera à plusieurs reprises dans son œuvre, notamment dans les publications autour du Cahier de moleskine paru chez Gallimard et récemment réédité), se passionne pour l’art de la danseuse e chorégraphe qui décédera dans un accident en 1927. Il réalise une série de dessins et publie sur elle un article.
En complément de l’exposition du Mucem, les portraits, correspondances, journaux illustrent cette amitié singulière. L’inlassable activité de Lucien Jacques comme éditeur à travers les différentes séries des Cahiers de l’artisan, y est pour beaucoup. Après l’abandon du projet de revue qu’il avait imaginée avec Jean Giono, Quatre mains, sa deuxième grande tentative éditoriale est celle des Cahiers du Cantadour, revue trimestrielle qui paraît à huit reprises et qui accompagne l’expérience de cette communauté et de ces onze rencontres de 1935 à 1939. Dans les faits, c’est bien l’opiniâtreté du seul Lucien Jacques qui maintiendra le Contadour. « Lucien tenait compte de tous et savait tout car le Contadour, c’était lui ! Les liens d’amitié étaient entretenus par lui qui écrivait, contactait, animait le groupe.»
- Lucien Jacques, Isadora Duncan, vers 1919-1920 -
Lucien Jacques découvre l’aquarelle pendant la guerre de 1914-1918 et il va sans cesse perfectionner la technique, à contre-courant de ses contemporains, en recherchant toujours plus la lumière. Peintre de plein air, « à découvert » comme il se qualifie, il recherche la spontanéité du geste en direct, sans dessin préalable. C’est une Provence inattendue qui est retracée dans cette œuvre, qui n’est pas sans rappeler celle évoquée par une lettre adressée par Jean Giono à Lucien Jacques, le 7 février 1928 : « Imagine-toi, après un col aimable où la route passe entre deux vagues de terre rouge portant des oliviers, le déploiement subit du Plateau. (...) Le bois est court, on le domine de la tête et, ainsi de toute part, l’étendue du plateau est visible. C’est très exactement une toison de bête fauve qui couvre la terre. La couleur est d’un vert gris, coupé de bleus ; le ton général est bleu. J’ai pensé à toi. Je t’ai vu avec ton carton et ta boîte. Je t’ai vu et je t’y verrai car il faudra que je te fasse connaître ce pays...»
* Le catalogue de l’exposition est coédité avec Actes Sud, avec trois lettres inédites de Jean Giono à Lucien Jacques.
Exposition au Musée
Regards de Provence
allée Regards de
Provence, 13002 Marseille
du 29 octobre 2019
au 16 février 2020
réservations
info@museeregardsdeprovence.com
tel. 04 96 17 40 40