Écologie : dis, Thon thon, pourquoi tu tousses ?
Le WWF voit rouge, l’espèce est en danger d'extinction...
Lors d’un récent conseil des ministres européens, la France a pris la défense de ses pêcheurs de thon rouge. Quoi de plus normal après tout que de vouloir protéger les siens et mettre ainsi de son côté les membres d'une profession qui paye sa gestion calamiteuse des ressources… Adieu veaux, vaches, cochons et Grenelle de l’Environnement ! La « pôvre » Maria Damanaki, commissaire européenne à la pêche, n’en revenait pas. Elle avait, dans son souci de suivre les recommandations des scientifiques, proposé de diviser par deux le total des prises pour l'année à venir. C’était sans compter l’intervention du ministre français, Bruno Le Maire, qui plaida haut et fort pour le statu quo.
D’après le WWF, les arguments utilisés par le ministre ne refléteraient pas la réalité de la situation. Pour Charles Braine, responsable du programme Pêche durable de l’ONG : « Bruno Le Maire assène des contrevérités afin de maintenir les intérêts de quelques-uns. Il prétend que 500 emplois de pêcheurs sont en jeu, alors que la baisse du quota à 6 000 tonnes, ne toucherait que la pêche industrielle à la senne, soit 17 bateaux pêchant un mois par an ».
WWF et Greenpeace mettent aussi en avant de nouvelles données officielles qui révèlent que la saison de pêche 2010 du thon rouge a connu de nombreux cas de non respect des règles ainsi que de nombreuses irrégularités dans les documents de traçabilité des poissons. Les rapports issus de la campagne de contrôle et d’observation internationale tendent à prouver que la fraude est une pratique courante. Elle concerne la quasi-totalité des flottes méditerranéennes, notamment celle de la France, seul État à ce jour à avoir admis un dépassement de quota pour l’année 2007. Cocorico !
Pour Isabelle Autissier, présidente du WWF-France : « Ces nouveaux éléments nous prouvent, qu’à l’inverse de ce qu’a affirmé Bruno Le Maire, la pêcherie industrielle du thon rouge est toujours hors de contrôle en Méditerranée ! » Qu’il est donc nécessaire de s’en tenir aux recommandations des chercheurs scientifiques et de voter la proposition de la Commission européenne. La navigatrice ne s’est pas gênée pour dénoncer le volte-face de la France sur ce sujet : « En février dernier, elle considérait l’espèce en danger au point de prétendre vouloir en interdire le commerce international et aujourd’hui, pour des raisons visiblement électorales, elle mène la fronde contre la proposition équilibrée de la commission européenne. Rappelons-nous le temps où le Président de la République se posait en défenseur de l’espèce ! »
Autre piste basée celle-là sur l'offre et la demande : de nombreux restaurants - restaurants de sushis en tête - proposent toujours du thon rouge à leurs menus. C'est au consommateur citoyen écolo-responsable de prendre ses responsabilités et d'agir, en refusant d'être complice de ce bio-génocide, en refusant de consommer. Il existe bien sûr de restaurateurs qui font l'impasse sur ce produit en passe de ne plus être une ressource renouvelable…
La réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (Iccat) qui aura lieu du 17 au 27 novembre à Paris, pour déterminer les quotas de pêche pour 2011, est décisive pour l'avenir du thon rouge.
* au marché aux poissons de Tsukiji à Tokyo - photo Derek Mawhinney -