Cannes : rendez-vous d'artistes à la Villa Domergue…

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La demeure du peintre reçoit une exposition de sculptures inédites des Capron et des concerts de jazz. Une symbiose réussie !

Que dirait Jean Gabriel Domergue s’il voyait sa villa secondaire cannoise de nos jours ? Que de changements et que d’adaptation aux grands événements artistiques !

Après de brillantes études aux Beaux Arts Parisiens, ce cousin bordelais de Toulouse Lautrec est tombé si amoureux de la Côte qu’il y a achetée une résidence dans le « Super Cannes », quartier huppé s’il en est. Si son atelier principal était toujours sur Paris, le peintre mondain aimait peindre, jusqu’à 5 toiles par jour, avec ses modèles favoris : les hommes d’Etat, comme le président Roosevelt, les lévriers et… les femmes ! Joséphine Baker, Brigitte Bardot ou encore Nadine de Rothschild peuvent l’attester : Jean Gabriel Domergue était un amateur de femmes… assez particulier puisqu’il avait des critères de sélection féroces pour ses futurs modèles. La taille de guêpe, la bouche en cœur ou encore le nez en trompette, étaient de rigueur pour espérer figurer sur une des toiles du maître. Odette Maugendre devait avoir ces caractères physiques pour devenir en 1918, Madame Domergue. À partir de ce moment, le travail de décoration de la Villa Fiesole se fait à deux. Monsieur s’occupe de la peinture d’intérieur tandis que Madame, également ancienne élève des Beaux Arts, garnit les jardins de ses sculptures, inspirées des antiquités romaines ou fauniques.

Aujourd’hui, c’est au bas d’un immense miroir au trumeau reproduisant la chaise à porteur du maître de maison, que l’autoportrait de Madame fait face à une sculpture d’un autre couple artiste de la région : les Capron.

Roger et Jacotte Capron ont toujours travaillé main dans la main. La manufacture de carreaux en céramique a, jusqu’à sa fermeture dans les années 80, connu un succès assez important. Le couple se fait remarquer, en 1958, par un prix de l’Académie d’Architecture en utilisant pour la première fois de la céramique pour la décoration. La collaboration décorative des Capron a été significative dans la région, surtout au Byblos de Saint-Tropez ou, plus proche, la gare maritime de Cannes.

Après la fermeture de la manufacture, les Capron retournent à leur premier amour : la sculpture. Ce sont ces pièces qui sont présentées à la Villa Domergue. On imagine très bien, lui, modelant et elle, colorant le sujet encore glaiseux. Les couleurs froides et dégradées des sculptures du couple vallaurien enchantent les pièces pastel de la demeure pour donner une ambiance assez magique. Les 60 pièces inédites disposées çà et là dans la maison luxueuse donne un aspect assez fantaisiste à l’ensemble. Bel aperçu sur des artistes régionaux singuliers !

La collaboration à la décoration d’intérieur n’est pas que ponctuelle. Lénine, généreux donateur assez surprenant, a aussi marqué de sa patte l’intérieur de la maison. L’ancien domestique russe n’a pas négligé son maître français, Jean Gabriel Domergue et l’a remercié gracieusement par un cadre somptueux digne d’entrer dans l’exposition monégasque sur la Russie (lire ici ! Cannes aussi n’a pas oublié l’apport artistique du peintre qui a même signé la première affiche du Festival du Film… qui n’a jamais eu lieu cette année-là. La ville donne aujourd’hui une importance primordiale à la Villa qui devient, le temps du Festival, le lieu de délibération du Palmarès. Le cadre inspire aussi la municipalité pour des événements estivaux dont le plus important est le Jazz à Domergue.

Depuis 3 ans, les soirées jazzy font swinguer les cascades de la villa et les spectateurs curieux ! Cette année, le festival aoûtien mise sur la relève du jazz avec des divas qui feront parler d’elles. Les plus chanceux ont pu assister hier à la prestation de China Moses, animatrice sur MTV, devenue chanteuse phare du R’n’B alternatif, accompagnée par un musicien purement jazz, Raphaël Lemonnier. Deux personnalités d’univers musicaux totalement différents qui se retrouvent en une idole : Dinah Washington. La « Queen of The Blues » cédera sa place par la suite à deux spectacles azuréens : un show mené par Patrick Michel et Denia Ridley, deux musiciens régionaux de naissance ou de cœur.


- Fatia Meziane -

Le final de ce festival intimiste sera sans doute au meilleur de sa forme avec l’hommage à Billie Holiday par Fatia Meziane. Deux reines du blues et un exposition de sculptures locales, il ne faut rien de plus pour vouloir revivre l’ambiance des fêtes du couple Domergue. Allumez les lustres de Murano et menez les chanteurs dans la mezzanine de l’atelier ! Ces « fêtes nocturnes » ont été immortalisées par le peintre et auraient sans doute plu à un autre couple amoureux de la région, les Fitzgerald. Le duo infernal new-yorkais avait posé ses quartiers d’hiver à l’hôtel « Belle Rive » de Juan Les Pins et ses souvenirs dans le roman « La fêlure ».

Peintre, écrivain, sculpteur, chanteuses mythiques… avec le même dénominateur commun : la Culture !

  • Cannes Jazz à Domergue – du 16 au 20 août - directeur artistique Frédéric Ballester -