Le poids des mots...
la violence qu'ils véhiculent.
Voyageur au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline, observait qu'on ne se méfie jamais assez des mots.
Observateur attentif des mœurs de notre époque, Me Georges Monteil, dans un courrier qu'il nous a adressé, dénonce l'emploi de certains termes dont l'usage dans les médias révèle notre façon de considérer notre environnement. Il note ainsi qu'un cambriolage devient "une mauvaise surprise", une agression "une mauvaise rencontre", une rébellion contre la police "un échange de coups"… Quid du titre relevé dans la presse : "trois frères tabassent les médecins des urgences", faisant sept blessés.
Il s'insurge de la désinvolture rédactionnelle qui fait écrire que, lors d'une récente catastrophe, des cadavres avaient été "récupérés", comme on le dirait d'objets. Que dire, ajoute-t-il, de l'emploi du terme "abattre" au lieu de celui d'assassiner ? On n'assassine plus un bijoutier ou, plus récemment l'ambassadeur du Vatican au Burundi, on l'abat, comme un chien enragé. Le choix de ce terme reflète-t-il seulement le mépris du tueur pour sa victime ou celui qu'on veut nous suggérer ? Ne devrions-nous pas avoir davantage de respect et de compassion pour la victime ?
Traversant la cours de récréation d'un collège mouginois, nous fîmes l'expérience d'un dérapage verbal. Un élève de 5ème s'adressant à un autre, y alla d'un "toi je vais te tuer !". La conseillère d'éducation se trouvant tout près, nous la prîmes à témoin. Elle répliqua qu'il ne fallait pas y attacher trop d'importance. C'est comme ça que les jeunes s'expriment. Sous-entendu, ils ne passeront jamais à l'acte.
Si les éducateurs, les parents ne réagissent pas plus à ce type d'expression, ne nous étonnons pas alors que cette banalisation de la violence verbale débouche sur la violence tout court. "Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant" proclamait Victor Hugo. Comme nous, il n'est pas innocent et véhicule valeurs, émotions tout autant que nos contradictions et nos angoisses existentielles.