Sûreté ou sécurité ?
Avocat cannois, Me Georges Monteil, réagit ici à l'actualité et à la lecture de la presse (texte publié d'abord dans notre magazine papier en 2003).
Devant l'insécurité grandissante qui n'est pas due, contrairement aux affirmations de certains sociologues, à la montée du chômage, mais à 20 ans de laxisme et d'angélisme idéologique, le gouvernement a fait voter une barrière de papier pour calmer l'opinion, qui n'en a même pas eu connaissance. C'est une loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité au quotidien. On peut en apprécier la saveur, notamment l'article 1 qui énonce des portes ouvertes !
En effet, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 indique, art. 2, que les droits naturels et imprescriptibles de l'homme sont la liberté, la propriété et la sûreté. La Constitution de 1946, comme celle de 1958, confirment et proclament l'attachement du peuple français à ces principes de base.
Aujourd'hui on utilise plutôt le terme de sécurité que celui de sûreté qui est pourtant beaucoup plus large et concerne aussi bien les personnes que les biens ainsi que les contrats. La sécurité serait plutôt l'absence de risques (sécurité sociale) et la sûreté la garantie d'une protection générale et permanente (la sûreté nucléaire), mais la même sémantique recouvre ces deux mots qui ont d'ailleurs une étymologie latine commune. Toutefois, la sécurité a son contraire: l'insécurité, alors que la sûreté ne peut pas en avoir puisqu'elle est un droit naturel.
La lecture quotidienne de la presse est révélatrice de nos malaises. Nous apprend ainsi que les contrôleurs de bus seront "assistés" par la police. On peut imaginer que celle-ci sera elle, protégée contre les agressions de toutes sortes qu'elle subit. Il faudra alors faire appel à la gendarmerie qui se plaint d'avoir son armement trop souvent en réparation.
Il faudra, en dernier recours, faire donner l'armée, mais ces unités se lamentent de ne pouvoir s'entraîner faute de matériel en bon état ou de carburant. (Note de la rédaction : plus en aval, on constate l'insatisfaction du personnel pénitentiaire qui estime, lui aussi, ne plus pouvoir faire son travail dans des conditions acceptables).
Jusqu'où irons nous dans cette société déliquescente qui interdit paradoxalement aux citoyens de se défendre eux-mêmes, au non de l'"état de droit" ?