Festival de Cannes : l'Espagne en ouverture,

Almodovar nous régale d'un nouveau chef-d'œuvre.

Pour la première fois dans l’histoire du Festival de Cannes c’est l’Espagne qui fait l’ouverture. En 1999, “Todo sobre mi madre” de David Kronenberg avait été récompensé par un simple accessit, le prix de la mise en scène. Pedro Almodovar sera cette année hors compétition.

Avec “La mala educacion”, il aborde un thème déjà traité en 1986 dans “La ley del deseo”. Il reconnaît que le film est autobiographique mais avec un sentiment plus profond : “Je suis derrière les personnages mais je ne raconte pas ma vie.” Étudiante, spécialiste du cinéma espagnol, Maeva Arregui nous livre son sentiment sur ce film.

“La mala educacion”, titre dénonciateur pour un scénario qui s’inscrit dans une Espagne marquée par la censure morale et sociale des derniers jours d’un régime dictatorial. L’enfant au regard séraphique se voit profané par les gardiens même du temple des valeurs divines.

Hypocrisie, silence étourdissant, horreur de la pédophilie derrière les murs glauques d’une école catholique de garçons : c’est l’histoire du jeune Ignacio. Pedro Almodovar triomphe de sens à travers douceur, ignorance et cruelle réalité. Le retour à une époque, apparemment lointaine, nous entraîne pourtant au cœur de la réalité de l’Espagne d’aujourd’hui.

Cette nouvelle Espagne, où l’éducation privée et catholique monopolise l’enseignement primaire et secondaire, souffre d’une amère contradiction. Elle balance entre une liberté amorcée par les promoteurs de “La movida”, et un conservatisme profond. Exhibitionnisme et extravagance, deux postulats de cette nouvelle ère qui se heurtent encore et toujours aux principes moralisateurs d’une église hégémonique.

Les Espagnols se croisent, font la fête, et pourtant ne se comprennent pas. Les travestis des “ramblas” choquent plus qu’on l’imagine le Catalan de cœur. Cette dualité est celle que raconte Almodovar. Cependant il souligne dans “La mala educacion” la tolérance implicite qui caractérise la communication intergénérationnelle espagnole. Les erreurs sont de tous bords et le conflit qui peu à peu s’estompera, permettra l’éclosion d’une Espagne rebelle et provocatrice qui souhaite plus que jamais exporter son art à travers ses hommes et ses femmes de génie.

“La mala educacion” : encore un chef d’œuvre de Pedro Almodovar. Du grand cinéma, simple comme le talent.