Retour sur le Festival 2003 :

à bout de souffle ?

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Etait-il meilleur ou moins bon que le dernier ? Plus ou moins de vedettes ? Plus de top-models que de vedettes ? Moins d'invités, moins de fêtes ? Les réponses encombrent les magazines people. Les films étaient-ils bons ? Trop tout public ou trop intellectuels ? Les réponses remplissent une presse spécialisée qui contribuent à faire d'un film un succès.

Ce qui est important avant tout, c'est que le Festival existe, qu'il ait lieu à Cannes et qu'il perdure quelles que soient les réponses aux questions posées plus haut. Bien en a pris à Bernard Brochand de refaire baptiser le Festival, Festival de Cannes. Il y avait quelque chose d'inquiétant à l'entendre s'appeler Festival International du Film. Le FIF, quoi de plus impersonnel, seuls les initiés pouvaient, au Brésil ou au Japon, savoir qu'il s'agissait du Festival de Cannes. Un festival qui aurait pu au fond, se dérouler n'importe où. Car, ne l'oublions pas, cette manifestation est depuis le commencement entre les mains d'une organisation parisienne. Toute l'année, une équipe travaille à sa réalisation et à son succès. Avec les moyens de communication actuels et dans le cadre de la décentralisation, ne serait-il pas envisageable de la voir s'installer ici, dans le Palais ?

Quant à la pique à propos de la présence assidue de Bernard Brochand sur les marches du Palais, présence qui aurait indisposé Gilles Jacob, dixit le Canard, elle est significative. Or, parmi les personnalités susceptibles d'accueillir officiellement les invités du Festival, le maire de Cannes (ou l'un de ses adjoints) a toute la crédibilité et la légitimité voulue ! Revenons à notre Festival adoré, plate-forme tournante de la saison cannoise, pierre angulaire de l'activité touristique, pièce essentielle de la prospérité et du renom de la ville de part le monde. Alors le bilan, plutôt plus ou plutôt moins ? Les rues étaient pleines, mêmes si les gens tournaient un peu en rond. On faisait la queue à la Pizza du Port, hôtels et restaurants affichaient complets et nombreux étaient les commerçants qui tiraient leur épingle du jeu. Les retombées économiques tant attendues sont plus ou moins de l'ordre de 120 millions d'euros pour Cannes et sa région. Ouf ! On a eu chaud avec l'Irak, avec la pneumonie très atypique. Mais pas de mai 1968 en 2003 alors que dehors les mouvements sociaux ont cherché le chemin du désordre. On se souvient que les Lelouch, Godard, Truffaut, Piccoli et autres figures de l'intelligentsia de l'époque avaient provoqué l'arrêt brutal de la manifestation.

Des vedettes, il y en eut toute une flopée. Quelques Américains avaient bravé les risques liés au terrorisme, Arnold était là, égal à lui-même, Clint Eastwood, Keanu Reeves, Andie Mc Dowell, Jackie Chan, David Carradine, … Mais le Festival fut plus que jamais un festival français, sauf pour le Palmarès. A défaut de films et à fortiori de récompenses, les italiens sont repartis avec l'affiche sous le bras. Les collectionneurs ne la leur disputeront pas. Les films ? Une bonne dose de films intellectuels, ceux que les festivaliers préfèrent, ceux qui permettent de digresser tout à son aise, d'entretenir une polémique propre à vendre du papier. Autant en emporte le vent !

Il est de bon ton aussi de critiquer le Festival lui-même, cela entretient la crédibilité du rédacteur qui n'est pas seulement là pour passer de la pommade ; utile aussi pour rappeler la fragilité des choses et des gens. Nul n'est indispensable, qu'on se le dise ! Ozon y est allé de son film intimiste et ennuyeux mais pas sans intérêt. C'est Lars von Trier qui obtint la palme de l'ambition et de la prétention, nous donnant sa nouvelle version de la poupée Bjork, transformée pour la circonstance en Nicole Kidman. Le Danois confirme son intention de réaliser des films si hermétiques que même une récompense ne pourrait suffire à attirer le grand public. Quand à l'or, ce fut pour Gus van Sant. Son film Elephant, est un bel exemple de ce qu'il faut faire pour ne pas remplir les salles.

Le Marché du film ? On en parle moins dans les médias, pourtant c'est grâce à lui que le festival continue à vivre. Le Marché c'est le nerf de la guerre, c'est je vend, j'achète. C'est l'argent, le fric, l'oseille, le carburant indispensable à l'industrie du spectacle et de l'illusion. Dans le monde de la fiction, c'est bien la seule réalité !