Cannes : le rôle ambigu des médias

dans le traitement des « affaires ».

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À quoi jouent-ils ? Y a-t-il une presse aux ordres, une presse qui subit des pressions ? Y a-t-il des médias qui s’autocensurent et ne traitent pas des dossiers sensibles de peur de se faire taper sur les doigts ou pire, de se voir priver de ressources publicitaires... Qui prend les décisions, le PDG, le chef de rédaction, le journaliste ?


Ce qui se passe à Cannes est assez symptomatique. En quelques mois, la cité du Festival du film est devenue celle des affaires... politiques. En effet, quelle ville dans l’hexagone peut se prévaloir d’avoir eu six mises en examen : deux élus au sein de sa majorité municipale dont l’adjoint aux affaires juridiques et aux affaires maritimes auxquels il faut ajouter quatre membres de l’administration ? Cette situation aurait dû être traitée de façon exemplaire et attirer l’attention du lecteur, qu’il soit électeur ou non d’ailleurs. On fait de la copie et des éditoriaux sanglants pour moins que ça ! Une situation qui aurait sans aucun doute mérité une première page mais le quotidien local préfère faire la sienne (plus deux pleines pages intérieures) sur un sondage, le 3ème du genre (un second valu à ses auteurs un avertissement de la Commission de contrôle) qui donne David Lisnard gagnant alors que celui de la rue ne chante pas la même chanson... Ceci sachant pertinemment l’influence qu’un sondage ainsi monté en épingle, peut avoir sur le public à la veille de telles échéances électorales.

Ce n’est pas feu Michel Bavastro, l’historique PDG de Nice-Matin qui nous dirait le contraire, lui qui, pendant 50 ans, a largement contribué à faire ou défaire les carrières politique des maires, sénateurs, présidents de Conseils généraux, de Menton à Nice et de Nice à Cannes, en passant par Antibes et Grasse...

En l’absence donc d’une première page saluant cette performance nationale - six mis en examen - un traitement équitable concernant les acteurs du duel Tabarot/Lisnard, eut été de... mise. Or, plus souvent qu’à son tour, c’est David Lisnard qui occupe les colonnes. Si l’actualité de Philippe Tabarot en occupe quelques unes, elles sont illico équilibrées par celles de son adversaire. Le contraire est rarement vrai. Un déséquilibre flagrant qui laisse place à toutes les supputations...

Certains dossiers qui ont fait le tour des réseaux sociaux et qui voyagent allégrement sur Internet, tardent a être publiés, sous réserve qu’ils le soient un jour). Bien sûr, il faut vérifier ses sources. Un média papier plus que tout autre, doit prendre le temps pour ne pas s’exposer à des poursuites. Néanmoins, une fois vérifiée, l’information doit être publiée envers et contre toute pression, amicale ou autre. Qu’en est-il vraiment ? On peut s’étonner que ce soit Paris-Match, magazine national, qui, sur ce sujet sensible, monte au créneau alors que logiquement les médias locaux, papiers, radios, télévisions se devaient de le faire. Il est vrai qu’il faut se sentir sacrement costaud pour... oser impliquer le député-maire, Bernard Brochand et dans la foulée égratigner Eric Ciotti, président du Conseil général des Alpes-Maritimes et fidèle des fidèles de François Fillon. 

Un Bernard Brochand qui avait, dès son premier mandat, placé la probité et la justice comme maîtres mots de sa mandature, allant jusqu’à faire signer une charte de déontologie à tous les membres de son équipe. Or, Paris-Match, nous brosse un autre tableau et n’hésite pas à parler de l’existence d’un « système local où argent, grand banditisme et politique sont mêlés ». Nous voilà loin du paradis et de la république sans faille que Bernard Brochand avait voulu.

Pis, en agissant davantage comme un chef d’entreprise tout puissant, ne tolérant pas qu’on lui désobéisse, plutôt qu’en édile respectueux des règles administratives, il pousse élus et fonctionnaires à la faute. C’est ce qui paraît ressortir de l’enquête du juge Jean-Pierre Murciano. Ainsi, le directeur du Port Canto, Philippe Martins, aurait été invité à laisser filer une redevance de près de 200 000 €... Et le juge de dérouler l’écheveau. Impliqué, André Tadeï, chef de cabinet du maire durant son premier mandat, avoue « les détournements de fonds faits dans un but politique ». Comme Philippe Lavaud, directeur-général adjoint en charge des affaires juridiques qui craque et admet des pressions venues de Bernard Brochand, notamment à propos de la réouverture du Bâoli pourtant sous le coup d’une fermeture ordonnée par la préfecture... Il ajoute qu’il a tenu informé Christophe Santelli-Estrany, son adjoint de tutelle aux affaires juridiques et maritimes, bras droit de David Lisnard, de ce délit de favoritisme. Devant l’évidence, l’adjoint est bien obligé, toujours selon l’enquête de Paris-Match, de mouiller le député-maire et, implicitement, de couvrir le fonctionnaire qui aurait agi sur « instruction du maire ».

À quoi bon nier en effet les faits. L’enquête, rondement menée, aurait commencé il y a environ un an, et le secret longtemps gardé par les gendarmes chargés de l’affaire. Devrait-on, comme le suggérait un des colistiers de David Lisnard, l’ancien magistrat au TGI de Grasse, Alain Ramy, qui critique (sans le nommer) le juge Murciano, coupable selon lui de ne pas « tenir compte du moment choisi pour décider d’une mise en examen » ? Dans un pays toujours en campagne électorale, c’est une mission quasi impossible. Est-elle vraiment souhaitable d'ailleurs ?

Voilà donc les juges aux portes du bureau du maire (mais ce dernier bénéficie de toute façon de l’immunité parlementaire), qui se retrouve curieusement à la 17ème place sur la liste de celui qui lui doit tout, n’est plus le seul à avoir à craindre des investigations du juge. Un document circule sur le Net. Jusqu’à preuve du contraire, il semble authentique. On imagine sans peine que s’il ne l’était pas, les intéressés l’auraient déjà dénoncé et porté plainte. Il est en mesure d’être préjudiciable à David Lisnard, surtout si les médias... osent s’en emparer.

Si tous les Cannois ne sont pas concernés par la location d’un anneau dans un des différents ports de la ville, la plupart d’entre eux savent que les places sont chères (dans le cas le plus courant où l’on paie la redevance portuaire, lire plus haut...), et qu’il faut attendre plusieurs années pour en avoir un. Raison suffisante pour être étonné - c’est un euphémisme - par le traitement de faveur accordé à Jacques Pélissard député de Lons-le-Saunier. Les Cannois qui ne le sauraient pas, seront heureux d’apprendre que David Lisnard fut son attaché parlementaire après avoir fait partie des équipes de Paul Graziani à Boulogne Billancourt et avant de descendre faire carrière à... Cannes. Jacques Pélissard, satisfait mais un peu tard de ses services, apporta néanmoins à son ex-attaché un soutien appuyé à sa candidature au poste de maire. Désireux de stationner son yacht de 56 pieds, le président de l’Association des maires de France, le dit Pelissard, demanda poliment une... gentillesse à son obligé. Il s’en suivit un échange de courriers entre les différents propagandistes dont les photocopies sont visibles sur divers sites Internet dont Le Cannois Déchaîné et publié dans Le Progrès du Jura, L’Est Républicain et France3 Franche-Comté.

Y figurent copie d’une lettre à entête de l’Assemblée nationale émanant de Jacques Pélissard à l’attention de son protégé devenu un tout puissant premier adjoint et sollicitant une place à l’année pour son bateau. Quelques courriers plus tard, le voilà bientôt satisfait. Cela malgré les avertissements écrits au capitaine du port, Philippe Martins, nommé plus haut. L'auteur de ce courriel sait pertinemment que ce véritable passe-droit (le non respect de la liste d’attente) finira par se savoir, qu’il... indisposera, pour ne pas dire plus. Là-aussi nous sommes bien loin des déclarations d’intention quant à la stricte justice qui doit régner dans la république cannoise. Ne faudrait-il plutôt dire, République bananière ?

Quelles seront, in fine, les conséquences de ces six mises en examen sur les résultats des prochaines élections municipales ? Y aura-t-il d’autres avatars judiciaires pour l’équipe municipale alors que la campagne est officiellement ouverte ? La presse et les chaînes de télévisions locales et régionales, feront-elle jusqu’au bout leur boulot d’information et éventuellement de commentaires ? La presse et les télévisions nationales, qui avaient majoritairement bashé la famille Tabarot, la vouant aux gémonies, accorderont-elles enfin de l’importance aux affaires cannoises et à son univers impitoyable, suivant la démarche méritoire de Paris-Match ?