France-Italie :

sur la frontière préalpine...

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Les hauts pays des Alpes-Maritimes et Liguriennes offrent une nature généreuse, des parcours culturels et de petits villages qui survivent dignement à la fuite de leur population vers le littoral.

De la vigne et des oliviers, sur la Route de la Cuisine Blanche...

À l’heure où les bords de mer débordent de touristes assoiffés de soleil et de bains de mer, où les plus jeunes se livrent à leurs bruyants rituels nocturnes, de part et d’autre de la frontière des pré-alpes du sud, les hauts pays italiens et français offrent une alternative tonique qui se prolongera avantageusement jusqu’en automne. Une géographie propice à de belles randonnées et les traces d’une histoire riche en péripéties et en trésors artistiques, sont leurs atouts. Tout un programme peut se bâtir autour. Comme par exemple, du côté italien, dans la province d’Imperia, la Route... gourmande de la Cuisine Blanche (la Strada della Cucina Bianca). Elle emprunte le chemin de la transhumance qui sillonnait les villages menant aux pâturages. On pourra la suivre de Pornassio à Nava par le col du même nom, puis choisir de remonter sur Viozene ou de se rendre directement à Briga Alta. On pourra aussi prendre un autre circuit par Mendatica ou Triora.

Cette cuisine de circonstance privilégiait les produits trouvés en cours de route accompagnés bien sûr de laitages. Des plats qui devaient être énergétiques, appétissants et rapides à préparer. Avec le temps et le confort venant, les menus sont devenus plus élaborés. Comme par exemple l’« Aglie’ », équivalent à l’aïoli provençal qui accompagne à merveille pommes de terre de montagne et morceaux de poulet bouilli ou encore des escargots. On se régalera aussi de raviolis de patate et menthe, de tourtes fines aux herbes du pays, de pan frito, de champignons, de gnocchis, de minestrones et autres lasagnes maison... On terminera par un flan ou une glace aux marrons, marrons provenant d’une autre richesse locale, les châtaigniers, appelés à l’époque où ils le remplaçaient arbres à pain.


- les meules en pierre du pays - Moulin de Dinoabbo à Luscinasco -


Petite anecdote qui révèle la rudesse de la vie dans des temps pas si lointains, le caractère médicinal de l’huile d’olive. Sa rareté et sa cherté lui conféraient mille vertus. Ainsi la dose prescrite consistait à plonger une petite branche dans le précieux liquide, les quelques gouttes qui s’y accrochaient devaient suffire...

Nous n’en sommes heureusement plus là et les années de disette sont bien loin. La population aussi a bien diminué dans ces villages des Alpes de Ligure. Beaucoup sont passés de 4000 habitants à 1000, quelquefois beaucoup moins. Ceux qui restent ont du travail et cultivent jusqu’à 600 mètres d’altitude des vignobles tandis que les oliveraies montent elles jusqu’à  800 mètres. Quelques entreprises continuent à récolter la lavande plus haut encore mais c’est l’industrie du Tourisme qui contribue à maintenir les gens au pays. Indirectement par la vente de cette huile d’olive, essentiellement des olives Taggiasca (la même variété que notre olive niçoise issue du cailletier), de bonnes bouteilles de vins et plus accessoirement de la lavande, du miel et des châtaignes.

Une visite dans une huilerie s’impose d’ailleurs. L’Azinenda Agricola Dinoabbo nous a ouvert les portes de son moulin ancestral dans le dernier virage menant au village de Lucinasco (300 habitants). Pour y apprendre que chaque grand propriétaire d’oliveraie possède son propre moulin et ses propres techniques. Ici, les olives doivent être pressées quelques heures à peine après avoir été cueillies. Chaque huile aura donc sa propre typicité. Celle-ci est particulièrement douce et se déguste en deux versions. L’une, l’effiorata, très haut de gamme, est le résultat de la simple pression des olives écrasées par les meules de pierre et mises dans leurs poches, les unes sur les autres. Ce n’est qu’ensuite que les poches seront pressurées et donneront une huile, première et unique pression... mécanique.


- la petite chatière pour les fidèles itinérants de l'église de San Pantaeo -


Chacun de ces villages vaut le détour. L’adage small is beautiful prend ici toute sa valeur car leurs habitants sont actifs. Il y a à faire avec l’entretien des oliveraies, des vignobles et la restauration d'un patrimoine artistique et religieux. Les traces de la dévotion de leurs habitants sont nombreuses et beaucoup d’églises et de monastères, plus ou moins délabrés, ont été fort bien restaurés. Après un déjeuner dans un bistrot typique et une visite au musée d’art sacré Lazzaro Acquarone ainsi qu’à l’église paroissiale baroque du XVII siècle, nous avons découvert à quelques kilomètres de là, après avoir de nouveau serpenté parmi les oliviers centenaires, un site remarquable : l’église du XVIII siècle dédiée à Santo Stefano, au bord d’un petit lac pittoresque avec vue sur les vallées alentours.

Autre arrêt culturel en redescendant dans la vallée, à Ranzo. Le guide a la clef de la petite église de San Pantaleo. Récemment restaurée, elle possède des fresques du XV et XVIème siècle. Elle se classe parmi les églises dites itinérantes et se reconnaît par son portique couvert et décoré, avec une petite ouverture, sorte de chatière, qui permet aux fidèles de passage, lorsque l’église est fermée, de néanmoins prier. Une façon de relier l’intérieur et l’extérieur, le profane et le sacré.


- Collégiale de San Giovanni -


Étape importante sur la route du sel, le village de Pieve di Teco mérite lui aussi pour qu’on y fasse étape. Pour visiter son église Madonna della Ripa datée de 1370 et sa Collégiale de San Giovanni reconstruite en 1782. Plus près de nous dans le temps, à une rue des Arcades typiques de la rue principale, le Teatro Salvini, complètement refait, peut à juste titre se vanter d’être un des théâtres les plus petits du monde. On a juste envie d’être assis dans la salle, à quelques mètres des acteurs pour savourer leur spectacle...

Pour se restaurer, on reprendra la route qui conduit à Pian Latte (124 habitants). Le bistro’ di paese « Rododendro », est situé au milieu du village. Il est tenu par Riccardo Cordeglio. Cet ancien maire, aidé par les membres de sa famille, accueille les touristes avec générosité : « Chez moi, dit-il avec fierté, le vin vient de ma vigne, l’huile de mes oliviers, les légumes de mon jardin, le miel de mes ruches. » Plus locavore, pas possible !

Dernière étape avant de reprendre la route du Sud, à Acquetico (140 habitants) pour visiter le vignoble de Bruno et Eliana Pollero qui s’étage jusqu’à 600 mètres d’altitude. Outre les oliviers qui produisent une excellente huile (nous en témoignons volontiers), on y cultive le cépage Vermentino qui s’apparente au Rolle provençal et que certains Liguriens préfèrent nommer Pigato. Au final, un mono-cépage blanc AOC de grande tenue. Pour le rouge (presque noir) et le rosé, c’est le cépage Ormeasco qui est utilisé. Le rendement contrôlé, les techniques de culture, le ramassage manuel, un important investissement dans du matériel moderne, une production confidentielle, sont des raisons suffisantes pour ramener quelques flacons du « Domaine Maffone » (photo ci-dessous).


Adresses utiles :

  • Tenuta Maffone - Acquetico - Pieve di Teco - Imperia - tel. +39 347/1245 271

- le Théâtre Salvini, photo archives d'Imperia -


  • À suivre : sur le versant français – les villages de Saorge et Sospel en vedette...