Pierre Bonnard triomphe à Paris

tandis qu'au Cannet on se prépare activement à dédier un musée à sa gloire.

Catégorie Les Arts au soleil



- sur les murs de sa maison du Cannet, Bonnard punaisait
les éléments de son musée imaginaire minimaliste,
sur la gauche, un petit Renoir dédicacé -

Il a certes, de son vivant, connu le succès mais ce n'est que maintenant qu'il connaît la gloire…une gloire posthume. Faute à qui ? Sans doute à son caractère réservé et pudique. Au fond, l'attention reçue ainsi que la considération de quelques pairs lui suffisaient. Pour la petite histoire, les événements liés à sa succession ont contribué à une éclipse partielle de sa popularité.

Cette fois, il est plus facile de trouver un coupable. Une coupable plutôt qui s'appelle Marthe, Marthe de Meligny. Enfin, c'est sous ce nom qu'on la connaît, le prénom surtout. Elle épousa Pierre Bonnard en 1925. De son vrai nom Maria Boursin, elle aura abusé Pierre Bonnard pendant les 47 ans de vie commune qu'ils partagèrent. Sans imaginer les conséquences qu'aurait son mensonge.

Lorsqu'elle décède en 1942, le peintre qui vit désormais au Cannet – il ne lui reste que cinq ans à vivre - découvre le pot au rose. Tout ça bien sûr n'a plus aucune importance pour lui. Son notaire lui conseille, pour éviter les problèmes de succession – on a découvert entre temps que Maria Boursin avait, en fait, de la famille – d'antidater un testament le faisant son légataire universelle. Disparue, elle laissait sa part d'héritage à son mari.

Lorsqu'à son tour, le peintre rejoignit au cimetière sa seule muse, ses parents les plus proches, son frère et sa sœur, s'attendaient, en toute logique, à récupérer l'héritage. C'était sans compter sur l'apparition des quatre nièces de Maria-Marthe. Deux d'entre elles, Aline et Marguerite Bowers, se firent un devoir de réclamer leur dû. Prétextant des accords passés, deux marchands de tableaux revendiquèrent bruyamment l'exclusivité, ce qui prolongea un peu plus les interminables querelles qui s'en suivirent. Ce sont les tribunaux qui furent chargés de démêler les fils de cet imbroglio. Ainsi, pendant de nombreuses années, s'entassèrent à la Chase Bank, 600 toiles, 500 aquarelles et 3000 dessins du maître, privant le public de leur incomparable et fulgurante lumière…

- une signature en or -

La justice a tranché et les œuvres se sont éparpillées dans la nature. Le musée d'Art moderne de la Ville de Paris qui rouvrait ses portes après plus deux ans de travaux, nous régale d'une rétrospective à couper le souffle des plus blasés. L'intime rejoint l'anecdotique, sous le soleil méditerranéen. Pierre Bonnard nous invite à prendre le temps, le temps de vivre et de regarder… les reflets sur la mer, de s'amuser avec les enfants sur le sable, de jouer avec le petit chat de la voisine… Ce qu'on aimerait y être, définitif voyeur qui lorgne sur la superbe plastique de Marthe, sur ses seins dévoilés et encore humides…

Très vite, nous l'espérons, s'ouvrira ce Musée national qui associera la ville du Cannet où le peintre passa de nombreuses et fructueuses années, à l'artiste intemporel qui avait émis le désir "d'arriver devant les jeunes peintres de l'an 2000 avec des ailes de papillon."

Il devait savoir, instinctivement, qu'un simple battement d'aile de papillon pouvait provoquer à des années-lumière une révolution… dans le regard des hommes.

- mention : www.parsicotedazur.fr - mai 2006 – Alain Dartigues -