Les casinos à la peine :
les jeux font moins de recettes.
Rien ne va plus depuis que le contrôle d'identité à l'entrée des casinos est obligatoire. Cette allégation est à peine une exagération au moment de dresser un premier bilan de cette nouvelle mesure. Entrée en application depuis novembre dernier, elle commence à montrer ses limites et ses conséquences négatives pour les casinotiers.
Elle avait pourtant un but louable, celui de simplifier et de normaliser la réglementation entre les jeux traditionnels et les machines à sous. Le ministère de l’Intérieur donnait ainsi la possibilité aux patrons de casinos de juguler la grogne des syndicats d’employés de jeu en promettant une redynamisation de leur secteur d’activité.
Après trois mois d’exercice, force est de constater que les casinos français ont vu tomber leur fréquentation de plus de 10%. A Cannes, les choses sont prises au sérieux et, à peine installé dans son bureau, le nouveau directeur du Casino Croisette s'efforce de trouver une martingale. Devra-t-il passer par un nouveau plan de restructuration et une diminution de personnel ? Les syndicats sont en éveil et redoutent un nouveau plan social.
Car, par où commencer ? Parier sur les bénéfices hypothétiques d’une politique commerciale et marketing innovante ? Réduire l’effort artistique ? La ville appréciera. Rogner sur le sponsoring ? Le sport cannois appréciera. Vendre une filiale de la Société Fermière du casino municipal de Cannes ? La rumeur court. La vente d'une filiale (laquelle ?) permettrait de financer la réhabilitation de la Banque de France.
Autre conséquence de cette modification réglementaire : une forte augmentation des demandes d'interdiction. La moyenne mensuelle est passée de 275 interdits à 800. Trois types d'interdiction empêchent de pénétrer dans un casino : l'interdiction volontaire, faite par le joueur au ministère de l'Intérieur et qui dure cinq ans, le fait d'être sous tutelle et la détention d'un casier judiciaire.
Dans une étude récente, le sociologue Martignoni-Hutin explique cette hausse des interdictions de jeu volontaire, particulièrement à partir d'octobre 2006, par "l'effet de prévention important et radical" du contrôle d'entrée dans les casinos. "Un peu comme", écrit-il, les fumeurs qui ont décidé de s'arrêter ou de porter un patch quand le prix du tabac augmente fortement ou lorsque des mesures d'interdiction de fumer sont prises.
Dès l'introduction des machines à sous, on savait que les jeux traditionnels allaient pâtir de cette concurrence. Certains imaginèrent même une disparition programmée. Maintenant ce sont ces fameuses MAS qui accusent le coup. Le casino de Mandelieu et celui du Croisette admettent depuis peu dans leurs machines des mises aussi basses qu'un centime d'euro. Sachant qu'il faut en reverser plus de la moitié en impôts et charges diverses, il ne reste pas grand chose pour les actionnaires. On est loin de Reno, d'Atlantic city et de Las Vegas…
- Cannes : le Palm Beach de la Belle Epoque -
A l'autre bout de la Croisette, le Palm Beach casino du groupe Partouche souffre aussi. Le temps est révolu des croissances à deux chiffres.
Beaucoup de grands groupes français de casinos possèdent également un patrimoine immobilier et hôtelier d'importance. Ils commencent à se poser des questions. Le prix de l'immobilier a quasiment doublé en moins de dix ans. La tentation devient alors grande de vendre les murs et de ne garder que la gestion hôtelière. Le Carlton y a cédé. Pour l'exploitation des casinos qui sont encore des entreprises rentables - même si les dix glorieuses (1987 – 1997) sont terminées – c'est un autre topo. Les fonds de pensions, surtout nord-américains y ont mis le nez. Ils ont pris des options, effectué des achats. Ils sont là pour rentabiliser leurs investissements. Ils ne feront pas de sentiments et, si le secteur s'essouffle, il vendront.
Ce sera fini alors de la gestion familiale, des coups de cœurs, de l'attachement à une tradition…
Pierre Casanova et René Allain