Brandt. Les ouvriers prennent la main...

Catégorie Les paradoxales

Gilles Attaf, Christophe Divi, Natacha Polony et Léonidas Kalogeroupoulos, chefs d’entreprise et responsables associatifs, signent ensemble cet édito. Extraits :





« L’avenir de Brandt ne se résume pas à la reprise d’une entreprise en difficulté. Il concentre un enjeu beaucoup plus vaste : notre capacité collective à défendre une industrie française souveraine, durable et ancrée dans ses territoires. Parmi les options sur la table, une se distingue par sa cohérence et par son alignement avec cet objectif : la reprise en coopérative par les salariés.

Les SCOP ne sont pas un modèle alternatif ou romantique, mais un pilier concret de l’économie française. En 2024, elles représentent 87 699 emplois, 4 558 coopératives, 10,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en croissance. Et surtout : 79 % de taux de survie à 5 ans, contre 61 % pour les entreprises classiques.

Les exemples récents le confirment. Des entreprises emblématiques ont choisi la voie coopérative pour préserver un savoir-faire et des emplois : la verrerie Duralex a été reprise en SCOP par ses salariés en 2024 et cherche désormais à stabiliser et relancer la production sur son site historique. De même, la filature Bergère de France, dernière grande filature française de laine à tricoter, a été sauvée par une reprise en SCOP en octobre 2024, illustrant la capacité du modèle à préserver des chaînes de compétences rares sur le territoire. Aussi, La Meusienne, PME centenaire de la métallurgie, spécialisée dans la fabrication de tubes soudés en acier inoxydable a été reprise fin 2024 par ses 40 salariés.

Par ailleurs, parmi les réussites industrielles les plus abouties, Acome incarne le rôle que peut jouer une SCOP industrielle structurée : groupe technologique, ancré dans des activités à haute valeur ajoutée (câbles pour l’automobile, les télécoms, etc.), cette entreprise illustre qu’une gouvernance coopérative et une stratégie long terme sont compatibles avec l’innovation et l’export.

Le projet de reprise en SCOP bénéficie déjà d’un soutien public inédit car Brandt incarne aujourd’hui une capacité de production encore existante sur notre territoire et une chaîne complète de compétences industrielles et artisanales. Plusieurs produits Brandt sont aussi certifiés Origine France Garantie, une certification exigeante qui atteste qu’une part majoritaire de la valeur du produit est réalisée en France.

L’État s’est ainsi déclaré prêt à apporter 5 millions d’euros pour accompagner la reprise, ce qui serait potentiellement la première participation significative de l’État dans une SCOP industrielle de cette envergure. La Région et la Métropole d’Orléans se sont, elles aussi, engagées à mobiliser plusieurs millions d’euros pour sécuriser l’opération.

Les SCOP ne prétendent pas être l’option systématique, mais elles forment une part essentielle du bouquet de solutions capable de réindustrialiser la France de façon souveraine et durable. C’est un modèle hybride qui donne à toutes les forces entreprenantes de notre économie les moyens de devenir les entrepreneurs du Made in France pour en faire autre chose qu’un simple slogan ; il faut donner à ces coopératives industrielles les moyens de jouer pleinement leur rôle au service de notre souveraineté.

Soit la France soutient réellement les modèles industriels qui fonctionnent, soit elle accepte d’abandonner ce qu’elle prétend défendre. Le soutien à cette SCOP [Brandt] peut devenir un tournant majeur : celui où la France assume enfin que la réindustrialisation passe aussi par les coopératives, par l’ancrage territorial et par la reprise par les salariés quand cela fait sens. » CQFD !