Louis Sarkozy trébuche sur le trottoir…
Candidat déclaré à la la mairie de Menton, le jeune « fils de », s’attire les foudres du défenseur des victimes de la route, Me Vincent Julé Parade :

- feux rouges aussi...
- Je prends connaissance des déclarations de Louis Sarkozy avec la stupéfaction qu’un avocat des victimes de la route connaît trop bien : celle qui précède, presque toujours, l’accident évitable. Affirmer qu’« il faut supprimer les feux rouges, les lignes blanches et les trottoirs » ne relève pas d’un simple dérapage verbal : c’est encourager une dérégulation mortifère, en contradiction totale avec toutes les données, toutes les études, toute l’expérience de terrain.
J’accompagne des familles brisées, des enfants devenus handicapés, des parents en deuil - et je sais que derrière chaque règle du Code de la route gît un drame ancien, une mort évitée, un progrès douloureusement arraché à l’histoire. Alors oui, j’interpelle M. Louis Sarkozy, sans détour : « Monsieur Sarkozy, votre populisme et votre démagogie risquent de tuer. » Car ce que vous proposez franchit un cap que même les dérives les plus tapageuses n’avaient pas encore franchi : après la suppression rêvée du permis de conduire par Madame Le Pen lors de précédentes campagnes présidentielles, voici désormais l’abolition pure et simple des infrastructures élémentaires de sécurité. On retire les feux, on efface les lignes, on rase les trottoirs…
Et tant pis pour les victimes futures : la formule électorale d’abord, la vie humaine ensuite. L’idéologie des routes nues : un slogan, pas une politique On habille cela du joli nom de « naked roads », on convoque des exemples étrangers comme on convoque des mirages, et l’on jure que les citoyens deviendront miraculeusement plus prudents lorsqu’on retirera ce qui les protège. C’est séduisant, comme toutes les chimères. Mais c’est faux.
Monsieur Sarkozy, ce n’est pas l’« assistanat » qui tue sur les routes françaises, ce sont les vitesses excessives, les refus de priorité, les conduites sous stupéfiants, les inattentions, les angles morts, les traversées non protégées. C’est la physique, la fragilité humaine, la violence d’un choc à 50 km/h sur un corps de 30 kilos. Ce n’est pas en supprimant la signalisation que l’on fera naître une prudence naturelle : ce n’est pas ainsi que fonctionne le cerveau humain ni le comportement routier. Votre père, lui, l’avait compris quand, ministre de l’Intérieur, il a porté la grande cause voulue par Jacques Chirac. Et surtout - comment ne pas le rappeler ? - il n’y a pas que les automobilistes sur la route. Il y a les piétons, les cyclistes, les personnes âgées, les enfants qui vont à l’école, les parents avec une poussette, les personnes handicapées, les usagers vulnérables que vous semblez ne pas connaître et oubliez souverainement dans votre projet.
Supprimer les trottoirs ? C’est déclarer que l’enfant de huit ans qui marche à côté de la chaussée devra « négocier implicitement » avec des voitures, en espérant que les conducteurs, soudain, se découvriront tous grands seigneurs. C’est renvoyer les non-voyants à la roulette russe quotidienne. C’est dire aux personnes âgées : « débrouillez-vous ! »
La civilisation commence au moment où l’on sépare les espaces, où l’on protège ceux qui ne peuvent pas se protéger seuls, où l’on reconnaît que la puissance mécanique impose des règles strictes. Le reste, c’est la loi du plus fort. La politique ne devrait jamais jouer avec des vies humaines À l’heure où les chiffres de la mortalité routière stagnent, où les associations, les médecins, les gendarmes et les familles endeuillées réclament plus de pédagogie, plus de prévention, plus d’aménagements sécurisés, l’idée de supprimer ce qui nous protège est non seulement absurde, mais irresponsable.
Instrumentaliser la sécurité routière pour faire du bruit médiatique, c’est trahir la fonction politique la plus élémentaire : protéger. La route, en France, n’a jamais été un terrain d’idées abstraites ; elle est un lieu de chair, de larmes et de fractures. Ceux qui viennent y chercher une carrière feraient mieux de commencer par connaître ceux qui y perdent un enfant, une jambe, une vie. On peut faire campagne sur beaucoup de choses. Mais pas sur la vie des autres.
Maître Vincent Julé-Parade