Le contrôle périodique de l’aptitude à la conduite.

Il s’agit de sauver des vies...

Catégorie Pieds dans le plat

Alors que la question du contrôle périodique de l’aptitude à la conduite refait débat après le vote des députés européens, Maître Vincent Julé-Parade, avocat des victimes de la route, apporte un éclairage juridique et humain à ce sujet sensible. Pour lui, « il ne s’agit pas de punir les seniors, mais de sauver des vies. Cette mesure de prévention simple pourrait éviter des drames humains. »




Alors que les députés européens viennent d’adopter une série de mesures visant à moderniser les règles du permis de conduire, la question du contrôle périodique de l’aptitude à la conduite suscite un débat vif en France. Parmi ces mesures figure notamment la proposition d’un examen de santé tous les quinze ans pour vérifier la capacité de conduire en toute sécurité.

Certaines associations d’automobilistes dénoncent une « stigmatisation des seniors », arguant que cette mesure reviendrait à « punir » les conducteurs âgés. Ces critiques sont infondées et dangereuses : elles détournent le débat de son véritable enjeu, la prévention des drames humains sur nos routes.

Le permis de conduire n’est pas un droit permanent, mais une autorisation conditionnée à l’aptitude du conducteur. Comparer, comme l’a fait récemment Pierre Chasseray (40 millions d’automobilistes), le permis de conduire au baccalauréat, relève d’une confusion inquiétante. Le baccalauréat sanctionne un savoir intellectuel alors que le permis de conduire engage la vie des autres.

La comparaison la plus juste est celle du brevet de pilote : tout conducteur, comme un pilote, devrait prouver régulièrement son aptitude physique et mentale. Conduire n’est pas un simple droit, mais une responsabilité collective.

Cette mesure concerne tous les automobilistes, indépendamment de l’âge. L’aptitude à la conduite dépend de nombreux facteurs : la vision, les réflexes, la vigilance, les traitements médicaux, la fatigue chronique, le stress, ou encore l’usage de substances pouvant altérer les capacités.

Réduire le débat à une opposition entre jeunes et seniors n’a pas de sens. C’est la sécurité de tous les usagers - enfants, piétons, cyclistes, automobilistes - qui est en jeu.

Un contrôle de l’aptitude tous les quinze ans relève de la prévention, non de la contrainte, au même titre que les visites médicales obligatoires pour les conducteurs professionnels ou les examens de santé périodiques recommandés dans le cadre de la médecine du travail.

Prévenir tout comportement inapproprié et toute forme de discrimination. Une telle mesure ne doit évidemment pas conduire à exclure socialement des conducteurs fragilisés. Elle doit au contraire permettre une approche adaptée et bienveillante, accompagnée de dispositifs de soutien et de mobilité alternative pour les personnes dont les capacités seraient altérées. L’objectif n’est pas de retirer un droit, mais de préserver des vies. Il ne s’agit pas de punir, mais de prévenir. Et surtout, d’éviter des tragédies qui, trop souvent, auraient pu être évitées.

De nombreux drames auraient pu être évités. En juin 2024, à La Rochelle, une conductrice octogénaire dont l’état de santé était incompatible avec la conduite a percuté un groupe d’enfants à vélo, causant la mort de la petite Margot, 10 ans. Un contrôle médical aurait probablement évité cette tragédie.

Conduire, c’est partager l’espace public et en respecter les règles. Refuser d’admettre les effets du vieillissement ou de certains traitements, c’est nier la réalité et exposer les autres. La liberté de conduire ne peut primer sur le droit à la sécurité.

Le débat sur le contrôle d’aptitude ne doit pas opposer les générations, mais rassembler autour d’un principe de responsabilité. Les arguments de certaines associations ne résistent pas à la réalité des drames humains. 

Maître Vincent Julé-Parade


[NDLR. Parallèlement à ce débat et à cette argumentation qui fait appel à la raison, celui des conducteurs qui roulent sans permis mérite qu’on s’y penche. Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, en 2021, 770 000 conducteurs roulaient sans permis. Un chiffre impressionnant aux graves conséquences sachant par exemple que 4,6 % d’entre eux sont impliqués dans des accidents mortels.]