Mucem : Don Quichotte, histoire de fou, histoire d'en rire...
Rares, très rares, sont les œuvres littéraires dont la renommée passe les siècles et qui infusent leur imaginaire dans la mémoire collective. Don Quichotte de la Manche, le volumineux roman que Miguel de Cervantès publia entre 1605 et 1615, est sans nul doute de ceux-là.

De fait chacun, peu ou prou, connaît encore les aventures tragi-comiques du « chevalier à la triste figure » et de son fidèle valet, le rondouillard Sancho Panza. L'esprit saturé de romans de chevalerie, Don Quichotte parcourt ainsi la campagne espagnole, en quête d'aventures épiques dont l'issue, vouée à l'échec, ne révèle que la puissance de ses illusions. Aspiration à la défense des causes perdues d'avance, le don-quichottisme est aussi un idéalisme qui vise à embellir un vécu quotidien jugé trop terne et trop insatisfaisant. C'est un peu la revanche de l'art sur la vie et l'on sait, depuis Oscar Wilde, qu'elle le copie souvent.
Ces différentes propositions ne pouvaient qu'inspirer de nombreux auteurs après lui. Et ils furent nombreux ceux qui s'inscrivirent dans le sillon défriché par Cervantès, poursuivant ou explorant un aspect ou un autre de son immense roman. Personnellement je garde une préférence pour Pierre Ménard, auteur du Quichotte, une nouvelle de Jorge Luis Borgès qui met en scène un écrivain imaginaire du XXe siècle réécrivant - en mieux - le premier tome du chef-d’œuvre de Cervantès. Ses illustrateurs ne furent pas moins inventifs que ses commentateurs, peintres et graveurs illustrant, chacun avec leurs moyens propres, diverses scènes du roman. Avant que l'opéra et le cinéma ne s'en emparent à leur tour.
C'est tout cela que montre - avec quel faste esthétique - la grande exposition d'automne du Mucem, « Don Quichotte, histoire de fou, histoire d'en rire ». En quelques deux cents œuvres réparties sur 500 m2 et quatre grandes sections, elle revisite ce mythe littéraire à l'aune de l' histoire autant que celle de l'art. Si la vitrine consacrée aux éditions anciennes du Quichotte ravive nos penchants bibliophiles, elle ne peut rivaliser avec les magnifiques illustrations que ce roman a inspirées à des artistes aussi différents que Goya, Doré, Bracquemond, Daumier, Picasso ou Dali.

- "Asnéria" de Pilar Albaraccin -
La part de l'art contemporain est également bien représentée avec Asneria, l'installation de Pilar Albarracin qui montre un âne trônant au dessus d'un monticule de livres - qu'on imagine voués à un prochain autodafé. Quant à Abraham Poincheval, il nous offre une réplique très personnelle de l'armure don-quichottesque, avec coquillages et végétaux intégrés. Il est également le co-auteur, avec Matthieu Verdeil, d'une cocasse performance filmée, Le chevalier errant, l'homme sans ici (2018). Et comment ne pas faire une halte dans la reconstitution de la grotte de Montesinos où Don Quichotte a la vision de sa Dulcinée en mendiante ?
Bien d'autres découvertes attendent les visiteurs de cette superbe exposition dont on ressort avec l'envie de prolonger ce moment d'émerveillement par la lecture de cet ouvrage fondateur de la littérature moderne.
- Du 15 octobre 2026 au 30 mars 2026. Tous renseignements sur mucem.org

- Don Quichotte, gravure de Picasso -