Antibes. La folle journée de Jean-Paul Kauffmann…
Gagner le prix littéraire Jacques Audiberti n’est pas une sinécure. Il s’apparente plutôt à un parcours sportif !

- Jean-Pau Kauffmann (les mains croisées) et les membres du jury -
Pour Jean-Paul Kauffmann, la journée de vendredi avait commencé à 10 heures à la Médiathèque Albert Camus. Une rencontre avec les scolaires y avait été organisée pour parler de son dernier livre, « L’Accident », et plus généralement de son travail de journaliste et d’écrivain. A midi, à la Villa Eilen au Cap d’Antibes, ce fut au tour des journalistes de lui poser les questions. Puis, à 15 heures, il était présent à la remise du 6e Prix Jeune Audiberti. Quant à la remise officielle de son prix, elle se déroula à 18h30 au Conservatoire de Musique et d’Art dramatique.
Depuis 1989, les lauréats ont subi, plus ou moins, un parcours similaire. Le premier fut Lawrence Durell, suivi de Jacques Lacarrière et de Jacqueline de Romilly. Jean Raspail, Jean d’Ormesson, et Michel Déon en furent, parmi les plus connus. Rappelons que le prix littéraire Jacques Audiberti récompense une œuvre en résonance avec celle du romancier Jacques Audiberti, fidèle à la culture méditerranéenne.
Jean-Paul Kauffmann est un journaliste avant d’être un écrivain, tient-il à préciser. En 1970, il est engagé comme journaliste à Radio France internationale, puis à l’AFP. En 1977, il intègre la rédaction du quotidien Le Matin de Paris et devient en 1984 grand reporter à L'Événement du jeudi. Alors que son magazine l'a envoyé en reportage au Liban, il est enlevé à Beyrouth avec Michel Seurat le 22 mai 1985. Il sera libéré le 4 mai 1988 avec d'autres otages.
À l'occasion de cette captivité, Jean-Paul Kauffman vit la traumatisante expérience d‘être déplacé, en plusieurs occasions, enroulé dans un tapis d'Orient où l'asphyxie l'amenait jusqu'à perdre connaissance. Cela le mène à approfondir sa réflexion sur la vie. Suite à cette expérience, il publie de nombreux romans qui ont une thématique commune, l'enfermement, mais n'évoquent jamais directement son expérience d'otage. Ce n’est qu’en 2007, que la première fois il l’évoque, dans « La Maison du retour », mettant l’accent sur les moments qui ont suivi son retour, le douloureux réapprentissage d'une vie normale, son impossibilité à lire, lui, le passionné de littérature.
Son dernier livre tourne une autre page, douloureuse aussi, celle d’un accident terrible qui se déroula dans son enfance ; avec le désir aussi de sortir définitivement (mais est-ce possible ?) de son statut réducteur et obsédant... d’otage. Comme pour dire à ceux qui le rencontrent, qui le questionnent toujours sur le même sujet : Je ne suis pas que cela !
« L’Accident », c’est celui survenu le 2 janvier 1949, le jour où dix-huit footballeurs du bourg de Corps-Nuds, en Bretagne trouvent la mort dans un accident en revenant d’un match. Cette tragédie a marqué la France entière et pesé sur la jeunesse de Jean-Paul Kauffmann, lui-même enfant de ce village. Ce fait-divers est le point de départ d’une enquête sur les distorsions de la mémoire. Après l’accident libanais, ce récit sur l’inexplicable s’est imposé à l’auteur. Sans l’enlèvement qui a fait resurgir ses premières années, Jean-Paul Kauffmann n’aurait probablement jamais eu le désir de raconter son après-guerre. Refuge et protection, cette enfance l’a sauvé. Grâce à elle, une partie de sa vie de prisonnier a échappé à ses ravisseurs et à la donné la force de… survivre.
