Tourcoing. Le jardin d’hiver d’Eugène Leroy...

Catégorie Les Arts au soleil

« Eugène Leroy. Peintures & dessins, 1980-2000 » explore la création des vingt dernières années de la vie de l’artiste (1910-2000). À travers plus de quatre-vingt peintures et dessins exécutés entre 1980 et 2000 provenant de la collection du MUba et de prêts extérieurs, cette exposition inédite exalte la liberté de Leroy entre ses 70 et ses 90 ans et sa profusion créatrice, « loin des courants et des modes » selon ses propres termes.




Une première section présente une sélection de peintures. La technique de l’huile sur toile est toujours plus singulière, marquée par des touches superposées, une matière toujours plus épaisse, des toiles saturées de couleurs. La fragmentation de la touche s’intensifie et les tons purs sont juxtaposés sans mélange préalable, parfois posés directement depuis le tube sur la toile. Les recherches de Leroy le mènent à explorer ponctuellement le format carré ou le camaïeu de tons limités, terreux, pour mieux réinvestir les formats verticaux et la polychromie. Certains sujets sont prédominants comme le portrait, le paysage et surtout le nu féminin saisi dans l’atelier ou dans un paysage, ces deux lieux tendant à se synthétiser. Dans des peintures simplement intitulées L’Été ou L’Automne, les réflexions sur la lumière et sur l’apparition de la figure se superposent parfaitement.

Les références évoquées par l’artiste dans les différents entretiens illustrent cette inspiration renouvelée : Les Saisons de Nicolas Poussin, les rythmes colorés de Piet Mondrian, Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud, Le Temps retrouvé de Marcel Proust, entre autres.

Si Leroy a toujours assimilé la création à la quête du bonheur, celle des années 1980-1990 témoigne d’un épanouissement technique et théorique certain. L’épaisseur de la matière, associée à une organisation rythmique des touches colorées mais aussi au flou et à l’incertain cherche à restituer la « trace du vécu » et une harmonie : « c’est une espèce de monde magique qui est celui de faire d’une manière plate quelque chose de vivant par la couleur et la lumière ».

L’exposition souligne l’importance de l’atelier pour Eugène Leroy, lieu de travail et d’expérimentation avec la lumière sur les corps des modèles, lieu de retrait du monde et de vie partagée avec sa seconde compagne, Marina Bourdoncle. Modèle présente chaque jour, photographe, elle participe à l’épanouissement créatif de ces dernières années en jouant de la musique ou en lisant à voix haute des textes (Miguel de Cervantes, James Joyce...).

Une seconde section est consacrée aux dessins exécutés entre 1980 et 2000, des travaux sur papier au fusain ou à la gouache rehaussée de craie et de fusain. Leroy dessine dès son enfance et sa première œuvre signée est un autoportrait dessiné. Cette pratique prend une dimension nouvelle à partir des années 1980 par la liberté du geste, des formats plus importants et la recherche d’une polychromie accumulée, superposée, complexifiée. Si le dessin est toujours autonome, jamais préparatoire ou servant d’étude, il est complémentaire de la pratique de la peinture et s’en rapproche : « je dessine vite, mais je reviens presque toujours dedans. À radoter, à reprendre, à dire une fois, dix fois, cent fois ». Le mouvement du modèle, l’instabilité de la pose, la fugacité d’un geste sont retranscrits par des traits fluides, rapides, des jeux de contraste entre opacité et transparence, des traces laissées visibles des doigts ou de la main de l’artiste.

Exceptionnelles, les années 1980-2000 marquent le développement de la reconnaissance de l’œuvre d’Eugène Leroy, en France et à l’international, assurée à partir de 1982 par le galeriste allemand Michael Werner. Les expositions monographiques (Gand, Paris, Eindhoven, etc.) et collectives (document de Cassel ou biennale de Venise notamment) participent à ce nouveau rayonnement. Leur évocation par des œuvres et des archives rythme l’exposition et permet de mieux situer la singularité de Leroy dans le contexte artistique des dernières décennies du 20e siècle.

L’exposition « Eugène Leroy, à contre-jour » (2022) explorait les liens avec les artistes, les galeristes, les institutions et les collectionneurs des années 1950-1970 sur le territoire Lille-Roubaix-Tourcoing. Le Muba s’affirme à nouveau comme le lieu de conservation, de recherche et d’exposition de l’œuvre d’Eugène Leroy, artiste tutélaire de la collection depuis la donation de plus de quatre cents œuvres en 2009 par Eugène Jean et Jean-Jacques Leroy, fils de l’artiste.

  • L’exposition sera accompagnée de visites, d’ateliers, de conférences et de concerts à retrouver sur le site internet du musée (https://www.muba-tourcoing.fr/).