L’action juste, résultante d’un geste et d’une pensée justes...
Ségolène Royal s’était aventurée, lors de sa visite en Chine à utiliser « bravitude », un néologisme qui avait amusé la galerie. Nous hasarderons-nous, à propos de geste, de pensée et d’action justes de parler de « justitude » ? Et bien pourquoi pas, car, quand on parle de justesse, nous explique Monsieur Larousse, on parle de précision, de pertinence, de bien fondé, de rectitude, de rigueur… de l’exactitude d‘un organe sensoriel aussi.

- geste fugitif, Jean Marais, Vallauris -
La formule : « Le geste juste est celui qui est le plus efficace, le plus économe en énergie, le plus beau », me semble assez bien synthétiser le concept. La beauté n’étant pas dans bien des cas, le but recherché mais la simple conséquence d’un geste ou d’un ensemble de gestes réussis. Cela n’implique pas qu’il soit éthique ou moral pour autant… L’intention, l’objectif, le projet, font toute la différence. Le geste juste peut être mis au service d’une mauvaise cause, être réalisé avec de mauvaises… intentions. Il peut être mis au service du pire comme du meilleur.
Le geste juste est présent dans chaque activité humaine, que ce soit dans le domaine professionnel, les loisirs comme dans les actes les plus ordinaires de notre quotidien. Pour chaque geste on peut appliquer la formule... magique et vérifier si on le côtoie ou pas.
Aucune activité humaine ou animale ne peut faire l’impasse sur ce constat. Le geste idéal, le geste juste, sera toujours celui qui est le plus efficace par rapport à l’objectif recherché - il peut alors s’agir de vitesse, de résistance, d’endurance, d’adresse - ce sera le plus économe en énergie (pourquoi dépenser plus quand on peut dépenser moins, sachant que nous disposons d’une somme d’énergie donnée et loin d’être inépuisable). Il sera aussi le plus beau, dans le sens où le geste réussi dégage une harmonie perceptible, aussi bien par son auteur que par le spectateur. Dans le sens où cette harmonie est son résultat logique, que sa dimension esthétique, artistique, soit l’objectif ou non.
Chez les animaux sauvages et les peuples premiers, le choix d’une stratégie de survie est une nécessité absolue. La marge d’erreur est faible et la sélection naturelle en est la conséquence sans appel. Vivre et survivre impliquent une série de gestes, de pensées suivies d’actions justes. Chez l’homme, les risques liés à des comportements inappropriés (tabac, alcool, vitesse excessive...) sont en grande partie atténués par les immenses progrès de la médecine, tandis que les améliorations notables des droits sociaux, assurent une importante marge de sécurité (retraite, assurances, aides sociales en tout genre...).
Le geste juste fait appel à cette « intelligence du corps » qui nous permet de savoir le plus exactement possible où nous nous trouvons dans l'espace, quel est le trajet effectué, à quelle vitesse nous nous y déplaçons et quelle quantité d’énergie nous utilisons. Tout cela afin d’être le plus performant possible. Les kinésithérapeutes parlent eux de « proprioception », sorte de 6e sens que nous utilisons tous - le plus généralement à notre insu - et à des degrés différents. Elle désigne la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties de notre corps, sans pour cela avoir recours à la vision. Elle est particulièrement utile dans la construction d’un « schéma corporel » de qualité. L’acquisition d’un schéma riche et varié fait d’ailleurs parti des objectifs des pédagogues et ce dès la maternelle.

- geste sans trembler, Amédée Ozenfant -
Force est de constater que, face à cette exigence, nous ne sommes pas à armes égales. Il y a ceux pour qui tout est facile. D'instinct, ils trouvent le meilleur trajet, adoptent la meilleure stratégie. Ils ont un « corps intelligent », celui dont ils ont hérité à la naissance et que les circonstances de la vie leur ont permis de construire, de développer et d’enrichir à travers de nombreuses expériences. Ceux-là sont rapidement bons en tout. Aux caractéristiques physiques et physiologiques héritées, s’ajoutent des différences déterminantes dues à l’environnement. Elles varieront d’autant plus selon que le hasard les aura fait naître à l’Est plutôt qu’à l’Ouest, au Sud ou plutôt qu’au Nord, riche plutôt que pauvre, blanc plutôt que noir, homme plutôt que femme…
Et puis, il y a ceux qui comprennent vite si on leur explique... longtemps. Leur corps est moins intelligent et, mis en situation, l’absence de résultats probants risque vite de les décourager. Le rôle de leur entourage - parent, éducateur, entraîneur, structure associative - sera déterminant pour exprimer leur potentiel. Car, bien sûr, en s’en donnant les moyens, ils peuvent toujours progresser si les buts correspondent à leurs limites, différentes pour chacun. Limites qu’on peut jusqu’à un certain point, apprécier et quantifier par rapport à des standards et à des tests physiques et psychologiques.
Comme il existe un quotient intellectuel (QI) et un quotient émotionnel (QE), on peut imaginer de la même façon, un quotient d’intelligence corporelle (QIC). Tout comme on pourrait mesurer par un certain nombre de tests adéquats, un quotient de moralité et d’éthique (QME)… Des outils qui pourraient s’avérer utiles, pour mieux déterminer les caractéristiques de chacun et pouvoir ainsi mieux orienter. Un entraîneur disait d’ailleurs : on gagne sur ses points forts, on perd sur ses points faibles.
Mais le geste, si juste soit-il, ne va pas forcément de pair avec une pensée juste. Si le premier paraît accessible à la plupart d’entre nous, le second est un autre défi, sachant que la résultante du geste et de la pensée juste, c'est l'action juste. Cela doit nous conduire à nous questionner tout au long de notre vie, sur la validité de nos objectifs, sur le sens de notre vie, sur la cohérence de nos choix : quelles études faire, quel métier choisir, quels loisirs, quels sports pratiqués et à quel niveau, quels amis, quels partenaires !

- geste technique, Tourettes-sur-Loup -
(texte retravaillé et précédemment publié en 2023)