Le sport de compétition n’échappe pas au Bilan carbone…

Quelle est l'empreinte carbone des deux sports majeurs que sont le football et le rugby en France ? Comment décarboner ces pratiques pour s’aligner avec les objectifs climatiques ? Le « Shift Project » se penche sur la question :



« Le sport, comme l’ensemble de la société, est confronté aux multiples impacts du changement climatique. Pour que nous, sportifs et passionnés, puissions continuer à pratiquer, partager et vivre pleinement ces instants qui nous rassemblent, nous devons adopter des objectifs climatiques ambitieux pour notre secteur, tout en renforçant sa résilience face aux crises énergétiques et climatiques. C’est à cette condition que le sport pourra garder la place qu’il a dans nos vies, voire en prendre davantage.

Le Shift Project quantifie pour la première fois l’empreinte carbone de deux sports majeurs en France : le football et le rugby. Ce sont à la fois les millions de pratiquants réguliers, et les milliers de fans qui se rendent chaque week-end au stade. Résultat : 2,2 millions de tonnes de CO2 émis par an, soit l’équivalent des émissions des habitants d’une ville comme Rennes ou Lille. Les déplacements des spectateurs, pratiquants et sportifs de haut niveau représentent à eux seuls la moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par ces deux sports.

L’empreinte carbone varie cependant selon les types d’événements. Par exemple, un match d’équipe de France émet en moyenne vingt fois plus d’émissions de GES qu’une rencontre de Ligue 1 ou de TOP 14, en raison du nombre important de spectateurs se déplaçant sur de longues distances, souvent en avion. Les autres sources d'émissions de GES proviennent principalement de la construction, de l’entretien et de la consommation énergétique des infrastructures (21 %), suivies de la fabrication des articles de sport (18 %) et de l'alimentation et boissons proposée lors des matchs (10 %).

Comment libérer ces sports de leur dépendance aux énergies fossiles ? Comment décarboner les transports, principal poste d’émissions, encore tributaires du pétrole importé ? Les solutions existent et doivent être mises en œuvre conjointement. Pour les courtes distances, privilégier des modes de déplacement décarbonés : vélo, marche et transports en commun plutôt que la voiture individuelle. Pour les trajets plus longs, les alternatives reposent sur le train, le car et les véhicules électriques, à la place de la voiture thermique et lorsque possible, l’avion. D’autres leviers importants devront être mobilisés : diminuer la consommation d’énergie des bâtiments, prolonger la durée de vie des articles de sport, ou encore végétaliser les repas et snacks lors des matchs.

Notre analyse détaillée démontre qu’il est possible de diviser par cinq l’empreinte carbone du football et du rugby en 25 ans, alignant ainsi ces sports avec les objectifs de l’Accord de Paris. Surtout, 90 % des réductions peuvent être obtenues en préservant le mode d’organisation actuel du football et du rugby. Les déplacements longue distance sont les plus difficiles à décarboner. Nos travaux montrent qu’il est possible de décarboner 99 % des trajets des spectateurs, y compris les déplacements européens où l’avion peut être remplacé par le train, le car ou la voiture électrique. Toutefois, pour les 1 % de trajets restants (intercontinentaux pour la plupart), l’avion reste incontournable et représente aujourd’hui 70 % des émissions d’un match international.

La généralisation d’avions bas carbone à grande échelle d’ici 2050 semble peu réaliste au regard des contraintes physiques et économiques. Miser sur une technologie incertaine mettrait en péril la pérennité des compétitions internationales, un risque que, en tant que passionnés de sport, nous ne pouvons ignorer. Il est donc impératif de réduire la dépendance à l’avion. Pour cela, il est possible de réduire les distances à parcourir et d’organiser des matchs plus accessibles.

Le rapport propose ainsi de redéfinir le calendrier sportif (principalement international) une demande par ailleurs régulièrement émise par des sportifs professionnels pour des raisons de santé physique et psychologique. Il propose aussi de rapprocher les matchs des spectateurs, avec des compétitions plus locales et régionales, et de modérer leur rythme et/ou leur taille (stabilisation voire réduction du nombre de matchs et de spectateurs internationaux).

Relever le challenge de la décarbonation est techniquement réalisable ! La réussite des transformations nécessitera la coordination des acteurs, la sensibilisation et la formation de tous et la planification d’objectifs à long terme. Au-delà du football et du rugby, cet exercice exploratoire ouvre la voie à des réflexions sur l’ensemble du secteur sportif. Sports collectifs ou individuels, pratiqués en plein air ou en intérieur, la méthode présentée par le Shift Project pourra être transposée à d’autres disciplines. » CQFD !