Marseille : les bords de l’eau de Vincent Bioulès...

Le Musée Regards de Provence expose les œuvres de ce spectateur attentif de la cité phocéenne, jusqu’au 21 mai 2023.



- Vincent Bioulès, Le chant des sirènes -


Hier comme aujourd’hui, la jeunesse a toujours été l’époque des engagements et des aventures collectives. Ce monde que nous avons trouvé en naissant correspond rarement à nos désirs. Nous voudrions changer les règles du jeu et cela implique forcément l’équipe, l’association, la coalition des consciences, quelque que soit notre champ d’action. Né en 1938, Vincent Bioulès n’a pas fait autrement en créant, avec d’autres plasticiens de sa génération (Louis Cane, Claude Viallat, Daniel, Dezeuze, entres autres) le groupe Supports/Surfaces dans les années 60. Celui-ci rejetait le sujet et ses trop nombreuses interprétations au profit des seuls matériaux du tableau. La peinture ne devait parler que d’elle-même, pas de l’artiste ni de la société de son temps. 

Mais il arrive en vieillissant que l’on jette un regard sceptique sur nos croyances et nos partis-pris. Les œuvres qu’ils ont générées ne correspondent plus à nos attentes. Alors on revient aux fondamentaux de son art ; on redécouvre simplement l’émotion devant la beauté, même enrichie par tant d’expériences. C’est ce qu’a fait Vincent Bioulès en opérant, à la fin des années 70, un retour à la peinture figurative. Il a redécouvert le plaisir de peindre sur le motif, comme lorsqu’enfant, il multipliait les croquis sur le littoral et les paysages héraultais. 

C’est de ce virage à 180 degrés que sont nées les grandes toiles – des huiles sur bois principalement - qu’expose aujourd’hui le musée Regards de Provence. Elles ne couvrent pas moins quarante années de peinture – de 1980 à 2020 -, dans une synthèse parfaitement maîtrisée de toutes les influences  qui ont façonné la sensibilité de l’artiste, lui qui compte parmi les peintres français les plus importants du XXe siècle. Un paysage de Vincent Bioulès, c’est généralement un espace  partagé en deux par une ligne d’horizon, avec des bandes de couleurs d’un côté comme de l’autre, qu’il parsème de petits personnages et d’objets ramenés à une forme schématique (La plage de Palavas). 

Du début à la fin de ce parcours, ses tableaux nous rappellent sa fascination pour la lumière et les bords de mer, qu’il l’exprime par une approche semi-abstraite ou plus figurative, comme cet audacieux Chant des sirènes (1984) à l’entrée, avec ses longs personnages féminins dénudés. Mais ce sont ses deux vastes toiles consacrées à l’île de Maïre qui retiennent le plus l’attention, avec leurs blocs de roches blanches sillonnées d’ombres noires, leurs baigneurs minuscules en aplat et leur ciel aux effets pointillistes, communion du blanc et du bleu dans la clarté estivale. Car il s’agit ici de rendre une impression d’ensemble même si, dans d’autres compositions  - comme ses vues de la Tourette -, le peintre s’attarde sur la structure des équipements urbains. Et que dire de l’atelier de la Villa Bianco (où il séjourna dans les années 90), avec sa fenêtre ouverte sur la mer, sinon qu’elle confine à l’hyper-réalisme ?

Une exposition qui s’inscrit parfaitement dans la continuité des choix esthétiques de cet élégant musée marseillais. Elle marque également le retour de Vincent Bioulès dans cette cité phocéenne qui l’a souvent inspiré. Même si, de son propre aveu, il lui préfère la douceur de sa région natale. 

Jacques Lucchesi



- Vincent Bioulès -