Édito. Gaspillage et cafouillage… nos deux mamelles ?
Fernand Dartigues étaient de ceux qui avaient pris conscience assez tôt des incohérences de nos comportements et de la difficulté de voir les choses, surtout lorsqu’elles sont désagréables et contraignantes. Ici son édito des années 70 :
- photo (c) PCA -
Depuis qu'ils étaient entrés dans une société de consommation, depuis qu'on les incitait à se rendre acquéreurs du plus grand nombre de biens possibles, depuis qu’il s'agissait pour eux d'acheter, de dépenser, bref, de faire marcher le commerce (et l’industrie), les civilisés ne se privaient certes pas !
Ils avaient de tout à gogo, les petites boutiques et les grandes surfaces leur proposaient en abondance tout ce que I'on peut convoiter et même rêver, tout ce que leurs prédécesseurs en ce monde n'auraient même pas imaginé de nourritures, de denrées exotiques, de produits rares, d'objets et d'ustensiles qui n'existaient pas encore voici trente ans à peine (les postes de télévision par exemple ne se répandirent qu'à partir de 1950).
Il ne leur était plus nécessaire de figurer parmi les riches, les privilégiés de la fortune, pour se procurer, non seulement le nécessaire mais aussi l’utile, voire le superflu. Alors commença le gaspillage généralisé, alors la société de con consommation devint société de surproduction et les poubelles se remplirent de déchets, au point que l'on ne sut que faire de montagnes de détritus. On jeta du pain, de la viande, des légumes à peine entamées, des objets à peine utilisés, on alla même jusqu'à dénaturer d'énormes stocks de beurre, de vin, de fruits, d’artichauts et de porcs, que les paysans ne parvenaient pas vendre. Les agriculteurs et les industriels inondaient le marché de produits dont il était saturé. L'offre dépassait de beaucoup la demande.
Les automobiles envahissaient les routes et les villes ; il fallu leur sacrifier le paysage, il fallut aménager pour elles des espaces de plus en plus grands. Elles avaient pour conséquences directes les embarras de circulation sur tout le territoire, le développement d'une réglementation de plus en plus contraignante, la multiplication infinie des signaux électriques, des parcmètres, des parkings. de tout ce qu’elles rendaient nécessaire en matière d'assurances, de taxes, d'organisations de secours…
Ils consommaient, consommaient et dilapidaient les métaux, le papier, les tissus, les médicaments, l'essence… Ils ne se doutaient pas un seul instant que l’on avait dû s’en passer jusque là et qu’on pouvait en manquer un jour. Un seul problème à résoudre pour eux. Disposer assez d’argent pour obtenir tout cela. Une fois cet argent en poche tout devenait possible, tout pouvait s’obtenir et se gaspiller.
Une telle surabondance justifiait pleinement ce telles mœurs ; bien peu gardaient encore le respect de ce qui se mange, de ce qui se fabrique, de ce que produisent la nature et le génie humain ; on ne faisait aucun cas du bois, du papier, du végétal, de l’animal, puisqu’on pouvait s’en procurer à profusion… avec une telle facilité.
Puis un jour vint… Restons-en là pour l’instant !
[NDLR. Il ne sert à rien d’avoir raison trop tôt, car personne n’écoute es mauvaises nouvelles et les empêcheurs de tourner en rond. Il semble bien que l’homme n’est pas génétiquement programmé pour appréhender d’une autre façon qu’abstraite, son avenir. Ce n’est pas moi qui le dit mais Sébastien Bolher, neuro-biologiste. Nous sommes à la croisée des chemins et la proximité d’échéances douloureuses risque de nous faire réaliser que nous avons perdu beaucoup de temps.]