Le Cannet. Place aux autoportraits !

Le Musée dédié à Pierre Bonnard fête de magistrale façon ses dix ans avec, du 26 juin, au 3 octobre prochain, une exposition… impressionnante, qui nous met « face à face » avec quelques-uns des plus grands peintres de notre époque. Au total une cinquantaine d’autoportraits qui chacun dégage quelque chose de fort, de puissant et qui nous éclaire un peu sur le mystère de ces créateurs, sur leurs doutes comme sur leurs certitudes.



Pierre Bonnard, Autoportrait dans la glace du cabinet de toilette, 1939-1945
© Centre Pompidou, MNAM-CCI © Dist. RMN-Grand Palais / Jacques Faujour


L’exposition s’ouvre sur un Autoportrait de Cézanne de 1877 dont la touche picturale et le jeu d’ombres et de lumière confèrent puissance et volume à ses traits représentés sans concession. Cette représentation laisse déjà présager de sa volonté de révolutionner l’image du portrait et par-delà, la peinture. Vont suivre 549 autoportraits, 50 rencontres dont certaines nous laissent pantois.

Ainsi, celui de Kees Van Dongen (1905) incroyablement présent, avec ce contre-jour déroutant, prêt à dominer le monde, son époque. « Van Dongen ne sait pas alors qui il sera, mais on sent dans cette image un désir d’être incroyable, une revendication de quelque chose. » témoigne Florian Zeller.

Celui d’Émile Bernard (1891) captive ou déroute. Le peintre s’expose, se confie au spectateur avec ses inquiétudes. Sur sa destinée peut-être ? Va-t-il céder au monde de la chair ou au monde plus spirituel ? Cet autoportrait symboliste est une véritable introspection voire une révélation pour l’artiste, qui fait de ce genre un exercice régulier. Alors que Picasso et sa Tête d’homme barbu au tricot rayé bleu et blanc (1965), saisit à coups de large brosse épurée un visage sculpté rapidement, matérialisant le temps qui presse, cette vieillesse ennemie, allant sur le registre de la dérision, facilement identifiable avec pull rayé. 

Quant au très beau dessin de Matisse Autoportrait au pull rayé (1906), le peintre affiche ici sa force vitale. Il montre l’homme et non l’artiste. Matisse qui s’approprie les mots de Rembrandt « Toute ma vie je n’ai fait que des portraits » dresse à l’encre l’un de ceux « dont les éléments semblent sortir du modèle  »  comme ceux de Maurice Quentin la Tour qu’il admirait. 

D’autoportrait en autoportrait, se dessine celui de la pensée comme autant de fragments, de signes, de reflets dans le miroir, de citations qui témoignent de la nécessité et de la vitalité de l’autoportrait dans l’art moderne et contemporain. Ce parcours ne se veut pas comme le reflet d’un autoportrait au sens où des peintres ont pratiqué cet exercice par narcissisme mais comme une interrogation sur la peinture elle-même qui se détache du peintre pour être ce JE qui est un autre, en demeurant UN dans l’accomplissement de l’exercice de la peinture.



MUSÉE BONNARD
16 Boulevard Sadi Carnot
06110 Le Cannet Côte d’Azur
tél. 04 93 94 06 06
www.museebonnard.fr