Mobilité : Auto ou vélo ?

Crédits:
images par

Mawenzi Partners, cabinet de conseil en stratégie focalisé sur les leviers de croissance, publie la première étude sur le futur de la mobilité urbaine. Ces résultats, collectés lors d’entretiens auprès des Autorités Organisatrices de Mobilités, communautés de commune, municipalités et régions, dressent le panorama de la mobilité urbaine de demain :




« Parce qu’elle relie les questions sociales, économiques et écologiques, la mobilité est un enjeu crucial pour les collectivités qui cherchent à faire évoluer un modèle qui n’a bougé qu’à la marge.

Pointée du doigt pour la congestion et la pollution qu’elle génère, la voiture reste un vecteur d’indépendance face aux contraintes des transports en commun, et maintient dans de nombreuses villes une part modale de plus de 70%. L’augmentation du parc de véhicules est l’un des symptômes illustrant la nécessité de restructurer et moderniser les réseaux existants, en compétition désormais avec des opérateurs privés.

Première arme des collectivités pour lutter contre l’enclavement des territoires, le développement de transports publics performants reste la priorité des agglomérations intermédiaires (Nice, Toulouse, Nîmes). Les objectifs y sont très ambitieux pour faciliter l’accès des péri-urbains au centre-ville, et passent encore aujourd’hui par des projets autour des modes lourds dans ces agglomérations où le transport en commun est parfois marginal (5% à Nîmes). Dans les villes plus importantes, l’heure est davantage à la rationalisation de l’existant, et à la mise en place de bus à haut niveau de service [comme à Cannes]. Les projets se heurtent toutefois à la difficulté de faire évoluer les usages, comme le concédera un maire : « Nous investissons 40% du budget de l’agglomération (100M€ par an) dans notre réseau mais la part modale n’a que très peu bougé en dix ans. Le léger recul de la voiture a bénéficié aux mobilités douces plus qu’aux transports en commun ».

Si les initiatives de covoiturage sont nombreuses, elles sont aujourd’hui regardées avec circonspection. La rémunération des conducteurs jouera un rôle clé dans le déploiement de ce mode par les collectivités, qui testent de nouvelles solutions. Si le covoiturage répond aux besoins d’un certain public, les changements à grande échelle devront être trouvés ailleurs.

Écologique et économique, le vélo est perçu comme une carte maîtresse dans la lutte contre la voiture, Nantes allant même jusqu’à créer un poste de Vice-Président aux modes actifs. Nice, Bézier ou Toulouse multiplient les initiatives (extension des VLS, locations auprès de la collectivité, maintenance…) pour inciter les citadins à l’utiliser. Le Plan vélo de la ville de Paris aura quant à lui représenté 150 M€ sur 5 ans. Des aménagements qui devraient permettre d’atteindre une part modale de 15%, enjeu de taille alors qu’elle est aujourd’hui estimée à… 5%.

Sous peine de voir leur légitimité remise en question dans le domaine de la mobilité, les collectivités ont conscience de la nécessité d’intégrer de nouveaux services à leurs offres

VTC, scooters, autopartage en Free Floating ou location entre particuliers : hier ponctuels, ces modes s’intègrent pleinement dans la mobilité du quotidien. Mais ils sont appréhendés de façon inégale par les collectivités confrontées à des problèmes nouveaux devant être réglés avec des opérateurs qui ne partagent pas la même culture.

Malgré ses 100 000 abonnés à son apogée, l’échec d’Autolib reste présent dans toutes les têtes, et l’autopartage connaît des difficultés à dépasser le stade de service de niche. En province, le marché reste extrêmement faible avec seulement 20 000 utilisateurs. L’exemple de Stockholm, abandonnée par deux mastodontes de l’autopartage en 3 ans, est éclairant. Le sujet des trottinettes draine de nouveaux problèmes : si elles ont pu répondre à de nouveaux cas d’usage, la pollution qu’elles génèrent comme le budget élevé qu’elles réclament les empêchent d’être considérées comme des solutions inclusives et vertueuses.

Ces modes concernent essentiellement des urbains aisés, et les municipalités redoutent que leur développement se fasse au détriment d’un transport public qui perdrait des recettes, comme cela a pu être le cas à New York. Les opérateurs Uber et Lyft sont parvenus en quelques années à séduire la population New Yorkaise pourtant très attachée aux transports en commun. Alors que toutes ne parlent que du Maas, les collectivités manquent de maturité opérationnelle et ont identifié la problématique de la gestion des paiements comme un prérequis. Ce retard contraste avec une ville comme Stuttgart, à la pointe et intégrant déjà 80 opérateurs dans son offre.

Si majoritairement, les villes n’envisagent pas être à l’origine du développement de nouvelles solutions de mobilité, les interactions entre les opérateurs privés et les collectivités ont vocation à se multiplier pour élargir l’offre existante.




La situation que connaît Paris (ouverture à la concurrence des bus en 2024, métro en 2030) contraste avec celle des autres villes françaises. Si près de 80% des collectivités font le choix d’un transport délégué par appel d’offres au format DSP, les plus grandes métropoles se disent prêtes à envisager d’autres modèles, quitte à assumer davantage de risques financiers. Nombreuses sont celles se déclarant conscientes d’avoir beaucoup à gagner à maintenir une relation directe avec leurs administrés, et les Autorités organisatrices de la mobilité se voient tenir 3 rôles clés quant au développement des nouveaux services : assurer le respect de l’espace public, garantir la disponibilité en continu de l’ensemble des modes, agir en chef d’orchestre, en étant à la fois chef de file des opérateurs et des communes.

Cette perspective est avant tout hexagonale, et les prérogatives des collectivités comme les ambitions qu’elles nourrissent, induisent des schémas très variés. Les collectivités du Royaume-Uni affichent des objectifs business, comme Manchester où 13 partenaires ont déjà été identifiés afin d’intégrer une solution MaaS dont on espère qu’elle serait rémunératrice. Une approche tranchant avec les aspirations avant tout écologiques de Stockholm, qui ambitionne de faire passer la part modale des transports en commun à 80% d’ici 2030, tandis que la flotte de véhicules particuliers restants ne serait composée que de véhicules électriques. »

Pierre-Eric Perrin et Eric Fourmentin