Inversion de la courbe des taux US : l’exception qui confirme la règle…
Tribune signée par Sébastien Oum, CEO chez Yseulis, solution de gestion du risque de change.n
« Il
y a tout juste un mois, le 22 mars dernier, le taux d’emprunt à 3
mois américain dépassait le taux d’emprunt à 10 ans.
Habituellement synonyme d’une entrée en récession imminente,
cette situation insolite pourrait bien (cette fois-ci) n’être
qu’un faux signal.
Depuis 1956, l’inversion de
la courbe des taux américains annonce l’arrivée des récessions
avec une précision déconcertante. Face à une telle régularité,
il serait donc tentant de penser que l’Histoire économique se
répète, et qu’une récession s’annonce. Pourtant, tout n’est
peut-être pas si évident, et les entreprises feraient mieux de
rester sur leurs gardes.
Cette inversion de la
courbe des taux américains se démarque d’abord par sa brièveté.
En tout et pour tout, le phénomène n’aura pas duré plus d’une
semaine (du 22 au 28 mars), et l’écart maximal observé entre les
échéances à 3 mois et à 10 ans n’aura pas dépassé les 5
points de base comme le révèle le site du Département du Trésor
des États-Unis. Il faut également se replacer dans le contexte de
cet épiphénomène. La semaine au cours de laquelle la courbe des
taux s’est inversée n’était pas une semaine comme les autres,
mais bel et bien la semaine au cours de laquelle la Réserve fédérale
américaine annonçait un virage marqué dans sa politique
monétaire.
Ralentissement de l’économie
mondiale
Avant de prêter une signification
économique trop profonde à cette inversion de la courbe des taux,
mieux vaut donc ne pas oublier son caractère hautement “technique”.
Avec des indices américains au plus haut de leur histoire, les
marchés boursiers ne semblent d’ailleurs pas croire à la
proximité d’une récession. Certes, un ralentissement de
l’économie mondiale commence à se matérialiser, mais celui-ci
ressemble davantage à un atterrissage en douceur qu’à un
retournement violent. Le redressement de l’indice ISM, l’un des
indicateurs économiques avancés les plus scrutés par les
professionnels, confirme d’ailleurs cette bonne perspective (55,3
points au mois de mars, contre 54,2 points en février).
Plutôt
que de se concentrer uniquement sur le risque d’une récession, les
entreprises préfèrent donc envisager chacun des deux scénarios
pour s’y préparer au mieux, notamment sur le marché des changes
où la volatilité des devises pourrait venir rogner leurs marges. En
effet, jusqu’ici le dollar américain profite pleinement de son
statut de valeur refuge, et la paire EUR/USD évolue sur ses plus bas
niveaux annuels. Pourtant, la marche-arrière esquissée par la
Réserve fédérale américaine (banque centrale américaine)
pourrait bien affaiblir le billet vert et venir peser sur les marges
des entreprises européennes exportatrices.
Vers un
affaiblissement du dollar ?
Pour s’en convaincre,
il suffit de consulter les projections de taux proposées par
Bloomberg. Entre décembre 2018 et mars 2019, le rendement médian
attendu des placements sans risque libellés en dollars américains
est en effet passé de 3,125% à 2,625%. Si cette perte de rendement
venait à se confirmer, le billet vert pourrait s’affaiblir
soudainement face à la monnaie unique, et les entreprises
européennes exportatrices auraient alors à en payer le prix
fort.
Pour tenter d’anticiper les prochaines
décisions monétaires de la Réserve fédérale américaine, les
européens gardent donc un œil inquiet sur les
chiffres d’inflation américains. En effet, de faibles perspectives
d’inflation offriraient à la FED la marge de manœuvre
nécessaire pour baisser ses taux de nouveau, au détriment de la
force du dollar et des marges commerciales des entreprises
européennes exportatrices… A l’inverse, les entreprises
européennes importatrices seraient quant à elles les grandes
gagnantes d’un tel scénario. Affaire à suivre. »
Sébastien Oum