FAKE NEWS : un peu, beaucoup, passionnément...
Véritable phénomène de société, serait-ce le prix à payer de cette liberté revendiquée par les Internautes ?
« Macron et le gouvernement font exprès de faire un attentat pour instaurer l'état d'urgence pour empêcher les gilets jaunes de faire la révolution », un message partagé par des milliers de comptes Facebook pro-gilets jaunes le 12 décembre dernier. «La peste brune a remonté les Champs-Élysées » G. Darmamin... Plus la situation sociale se tend, plus les fake news - dites infox, les théories du complot (ce n'est pas par hasard que..., il y a une manipulation secrète..) et les rumeurs diverses et variées rythment le débat politique.
Ce type de messages circule du « bas », les manifestants, les populations périphériques protestataires, vers le «haut», les élites, comme en sens inverse (des députés, des ministres diffusant des accusations imaginaires). Les États, les ONG, les médias traditionnels et les grands du Net annoncent qu'ils vont lutter contre le faux. Ils réalisent mais un peu tard que ce genre de manipulations aurait bien pu favoriser l’élection d’un Trump ou d’un Bolsonaro…
Comment s'y retrouver, comprendre le mécanisme complotiste, mesurer les effets et les causes, analyser l'incroyable perte de confiance dans nos systèmes d'information ? C'est ce à quoi répond le livre de François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l'Iris et spécialiste de la question.
Pourquoi les Fake news font-elles vraiment peur ? Les «fakes» (fausses nouvelles), les théories du complot, l'intoxication en ligne ou la prolifération des faits dits alternatifs ou de révélations imaginaires : tout cela mobilise des vérificateurs et dénonciateurs dans la presse, dans les gouvernements et même chez les grands du Net. La montée du faux expliquerait des votes irrationnels (Brexit, Trump), voire annoncerait une ère de la « post-vérité » où les masses deviendraient comme indifférentes aux faits vérifiés. Au final, ce seraient autant de menaces pour la démocratie.
Chacun peut-il choisir les versions de la réalité conformes à ses préjugés et les communautés en ligne vont-elles s'isoler de plus en plus dans des univers imaginaires partagés, au détriment de la vérité commune ? Si tel est le cas, il faut se demander pourquoi une fraction de la population est devenue si rétive aux évidences que professent médias ou experts, d'où vient ce scepticisme de masse et comment se propage-t-il ?
Le livre (VA Éditions) pose la question de l'impuissance à maintenir un consensus idéologique sur le réel. Mais il analyse aussi le pouvoir inédit des technologies de communication et le conflit entre les médias, les vieilles machines à faire-croire et les nouveaux réseaux du croire ensemble. Un monde où personne ne croit plus rien, où chacun ne croit que ce qui lui plaît : une crise de confiance dans les anciennes machines à faire croire ?
* François-Bernard HUYGHE, docteur d'État en sciences politiques, HDR, est directeur de recherche à l'IRIS et enseigne au CELSA Paris IV Sorbonne. Spécialiste de l'influence stratégique, blogueur influent (http://huyghe.fr), médiologue, il a écrit plusieurs ouvrages sur l'influence et la désinformation dont Comprendre le pouvoir stratégique des médias, Maîtres du faire-croire, De la propagande à l'influence et La désinformation Les Armes du faux.